HISTORIE
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Vue aerienne de Bordeaux et tracé du rempart antique
(IIIe siecle ap. J.C).
Photo: SRAA (c. SRAA). |
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Restitution de Bordeaux sous le Haut-Empire.
Aquarelle de J.-M Gaulbin.
Photo: SRAA
(c. SRAA) |
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Le site naturel et les origines
de Bordeaux
"Ils [les Bituriges Vivisques] occupent
une ville-marché (emporion), Bourdigalla, située sur
une espèce de bras de mer que fait l'estuaire du fleuve".
C’est ainsi que Strabon, au début du Ier siècle
ap. J.-C. décrit très rapidement le chef-lieu des
Bituriges Vivisques. Effectivement, Bordeaux est avant tout une
ville de la Garonne.
Sur la rive gauche du fleuve, le lieu d’implantation de Burdigala
présentait apparemment une topographie et un environnement
contraignants. Toutefois ces deux facteurs contribuèrent
à l’occupation du site : d’un côté,
au sud, le bassin intérieur marécageux que formaient
les rivières de la Devèze, du Peugue et du Caudéran
en mêlant leurs eaux avec la Garonne ; de l’autre, au
nord, la présence de la terrasse alluviale de grave du mont
Judaïque et du Puy Paulin, s’élevant de 10 à
12 mètres au-dessus du fleuve. De forme très allongée,
cette plate-forme bien égouttée s’avançait
jusqu’au contact de la Garonne, dominant au sud la basse vallée
de la Devèze et ses affluents et, au nord, les marais de
Bruges et les palus des Chartrons.
La ville s’établit donc sur le seul et dernier promontoire
de terre ferme au contact de la rive gauche avant la zone de confluence
de la Dordogne, de la Garonne et de l’océan. Tous ces
éléments ne pouvaient que favoriser la création
d’une importante place commerciale à cet endroit
précis de la Garonne.
Le développement topographique de Burdigala
L’occupation protohistorique de Bordeaux
Des vestiges d’habitations en bois associés
à de la céramique datée du 2nd âge du
fer, découverts dans les fouilles des immeubles de La France
(1982), des Dames de France (1920) et des allées de Tourny
(1972), ont révélé l'occupation d'un petit
noyau d'une superficie de 5 à 6 ha maximum, situé
sur la terrasse de grave du Puy-Paulin, entre les allées
de Tourny et la rue Sainte-Catherine à son intersection avec
la rue Porte-Dijeaux. C’est de ce noyau ancien que va partir
le développement de la ville romaine.
La ville augustéenne
L’apparition d’un système urbain
orthonormé et de structures plus typiquement romaines dans
leur construction et leur conception (sols de tuileau, murs en petits
appareils, galerie donnant sur la rue) est constatée dans
les vingt premières années du Ier siècle ap.
J.-C. Si la ville est toujours installée sur la terrasse
de gravier, elle franchit les limites de l’ancien noyau protohistorique,
témoin en est l’installation de la nécropole
à incinérations de la place Charles Gruet, et atteint
déjà douze ou quinze hectares de superficie, soit
le double de la superficie estimée de Burdigala « gaulois
».
L’expansion sous le Haut-Empire
Mais c’est probablement à partir du
milieu du Ier siècle ap. J.-C. que la ville va connaître
une expansion continue pour atteindre à la fin du IIe siècle
son maximum de superficie, entre 150 et 170 ha.
Sur la rive gauche de la Devèze, les limites
de la ville augustéenne sont vite débordées.
Les quartiers actuels de Saint-Seurin à l’ouest et
de la rue Fondaudège au nord sont atteints. C’est d’ailleurs
à l’extrême limite de cette extension que se
développe la nécropole de Terre-Nègre où
la majeure partie des sépultures semble d’époque
antonine.
Puis, la ville franchit la Devèze pour s’installer
sur les croupes argileuses qui s’étalent sur la rive
droite de la rivière. Au milieu du Ier siècle, un
habitat privé et des thermes s’installent le long de
la rivière du Peugue dont les berges sont aménagées
sous les Flaviens.
De nouvelles nécropoles à inhumations sont apparues
bornant ce développement : dans le quartier Saint-Michel,
place Maucaillou – rue Permentade, rue Planterose et Traversanne
, puis la nécropole sous le cours Pasteur.
C’est aussi à l’extrême limite de cette
expansion, que l’on construit, à la fin du IIe ou au
début du IIIe siècle, un mithraeum et l’amphithéâtre
du Palais Gallien. La ville atteint à ce moment-là
sa plus grande étendue.
Urbanisme et voirie sous le Haut-Empire
Les fouilles de l’immeuble de La France ont
confirmé l’axe antique est-ouest formé par la
rue Porte-Dijeaux. Cette voie considérée comme un
des axes primordiaux de l’urbanisme antique est mis en place
dès le règne d’Auguste, probablement entre le
début de l’ère et 10 après J.-C. La recherche
menée en 1988 au marché des Grands-Hommes a permis
de vérifier la présence de la rue, déjà
observée en 1972 aux allées de Tourny. Enfin, les
travaux réalisés sur les chantiers des rues Huguerie
et du Palais Gallien en 1987, ont mis en évidence un carrefour
urbain. Ainsi, quatre decumani sont attestés avec certitude
: rue Porte-Dijeaux, cours de l’Intendance, axe Tourny/Grands-Hommes,
et enfin axe rue Thiac/allées de Tourny. Il s’agit
de quatre decumani successifs, qui nous donnent ainsi l’écart
approximatif existant entre deux axes dans le sens sud-nord, soit
120 m environ (l’écart au mètre près
ne peut encore être calculé).
Pour ce qui est des cardines, trois nous sont connus
: celui de la rue Sainte-Catherine (fouilles des allées de
Tourny en 1972), celui de la rue du Palais Gallien (fouilles des
rues du Palais Gallien et Huguerie en 1987) et celui de la rue Métivier
(1991). L’esquisse de ce maillage orthogonal ainsi défini
correspond à certaines rues actuelles de Bordeaux.
Enfin, il faut relever le fait que toutes les structures antiques
découvertes à l’occasion de fouilles archéologiques
sur la rive gauche de la Devèze sont construites en fonction
de ces grandes orientations urbaines.
Beaucoup de questions restent cependant sans réponse
pour la vallée et la rive droite de la Devèze.
La vallée de la Devèze n’a pas connu une implantation
urbaine comparable à celle de la terrasse de la rive gauche,
en raison de sa topographie particulière ; pentes importantes
et zones marécageuses. Les fouilles de Saint-Christoly entre
1973 et 1983, ont montré un enchevêtrement de structures
organisées en fonction de la rivière, et non un urbanisme
arbitrairement plaqué dans la topographie.
De même, aucun élément ne permet
d’affirmer qu’une trame urbaine comparable à
celle de la rive gauche a été installée sur
la rive droite de la Devèze. Trop peu d’opérations
archéologiques ont été réalisées
dans ce secteur pour permettre d’apporter une réponse
à ces questions. Au contraire, les structures découvertes
cours Victor Hugo (fouilles de Parunis en 1986) et à la cité
Judiciaire en 1995 semblent être axées différemment.
Seules de nouvelles fouilles à venir
pourront apporter les éclaircissements sur la mise en place
du réseau urbain et il sera alors possible de s’intéresser
plus précisément à la situation exacte du forum
de Bordeaux, cœur de la ville antique dont nous supposerions
bien volontiers, sans certitude aucune, la présence sur la
plate-forme naturelle de gravier, près du site des anciens
Piliers de Tutelle. Comme le pensait Camille Jullian, ce monument
aurait alors constitué un des éléments de ce
forum, à l’emplacement même de la première
agglomération protohistorique, l’emporion de Burdigala,
d’où naquit la ville gallo-romaine.
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