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Vues politiques sur les changemens a faire a la Constitution d'Espagne, afin de la consolider, spécialement dans le Royaume des Deux-Siciles

(Janvier 1821)


Jean Denis, Comte de Lanjuinais




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Avertissement

Dans toute l'Europe civilisée, le progrès naturel des lumières et de l'industrie a rendu si généralement odieux le gouvernement arbitraire et les inégalités factices, étrangères à la liberté, au bonheur social, que les constitutions écrites et représentatives, qui étaient encore, avant 1789, l'heureux privilége de quelques territoires, dans les grands états, sont devenus le droit commun des rois et des peuples entiers.

Mais tout ce qui sort de la main des hommes se ressent de l'imperfection des auteurs.

Soit que des représentans électifs imposent des constitutions aux rois et aux grands, soit que les rois prétendent les octroyer aux nations, le besoin d'améliorer se fait bientôt ressentir plus ou moins généralement. On a vu les États-Unis d'Amérique forcés d'admettre des changemens dans leur constitution naissante, de resserrer leur lien fédéral, et de fixer des formes spéciales pour introduire au besoin d'autres mutations futures. Ces formes sages, déjà ils les ont mises en pratique, et ils se préservent ainsi des secousses dangereuses.

La constitution française de 1791 avait des formes de révision, mais elle n'a pu en attendre l'époque, ni même les observer. Elle est tombée, non pas seulement parce qu'il y avait au dehors une émigration nombreuse, et au dedans une cour mécontente qui, avec les émigrés, provoquait la guerre étrangère contre la constitution et la patrie, mais encore parce que l'évasion du roi, en 1790, ayant rendu impossible tout concert avec lui, pour régler ses attributions, l'unité de chambre, nécessaire sans doute en 1789, fut conservée en 1791; et parce que l'on repoussa le droit royal de dissoudre l'assemblée législative, droit sans lequel il n'y a point assez de garantie pour un chef héréditaire.

Il y avait encore deux autres vices dans la constitution de 1791, l'amovibilité périodique de tous les juges, et peut-être aussi la permanence habituelle de la session législative. Sur les avantages et les inconvéniens de cette permanence, il peut rester encore des doutes raisonnables, dont il faudrait renvoyer l'examen, ou du moins la décision, à des tems futurs et surtout pacifiques, où l'on sût haïr autant, dans les lois, la prodigalité que l'avarice.

Au reste, on convient que cette constitution mérite de grands éloges. Elle fut reçue avec satisfaction, avec une profonde reconnaissance. Il serait peu raisonnable de la censurer, parce qu'elle ne tolérait point cette noblesse nominale et de caprice royal qui s'agite encore pour dominer par des priviléges.

Telle est la constitution que les plus héroïques et les plus religieux des hommes, les Espagnols, prirent pour base de leur travaux, en 1812, mais sans avoir pu se concerter avec leur roi, pour lequel ils ont fait tous les sacrifices, et dont ils ont aussi trop énervé la puissance lorsqu'il était prisonnier de Napoléon.

Pendant la guerre de la liberté contre l'Europe coalisée, les Français avaient légèrement aboli la royauté. Long-tems ils triomphèrent en se faisant à eux-mêmes des maux infinis, dont aucun des deux partis ne fut innocent. Mais ils se confièrent trop à l'un de leurs guerriers. Ils souffrirent qu'il recréât le pouvoir absolu, parce qu'ils espéraient l'avenir, parce qu'il leur conservait l'indépendance extérieure, et qu'il les enivrait de la folle gloire des conquêtes.

Ce guerrier succomba, victime de son ambition et de son despotisme. Louis XVIII fut rétabli sur le trône de ses ancêtres, il donna cette Charte, en vain garantie par les étrangers, et que bientôt il a reconnue vicieuse dans quatorze articles; cette Charte, qu'il a déclaré ensuite ne vouloir jamais changer, mais que nos ministres et les chambres ont toujours exténuée par des lois de proscription, de suspension, de suspicion et de violation; ajournant, refusant, rétractant ses développemens et ses conséquences, faisant revivre arbitrairement les constitutions abrogées par elle, et même les décrets illégaux du ci-devant chef de l'empire. Il en est résulté que cette Charte a besoin, autant et bien plus d'être rétablie, ou tout-à-fait remplacée par une autre, que d'être révisée avec des formes qui assurent la permanence de tout ce qui ne serait pas changé par la revision. Déjà n'est-ce pas un crime de l'avoir invoquée, et d'avoir protégé la vie de ses défenseurs officiels, menacée avec violence et impunément? Le peuple n'est-il pas forcément représenté par des privilégiés, et raison inverse de ses intérêts? La cour des pairs n'est-elle pas, dans les tribunaux, dégradée, et mise au rang honteux des commissions extraordinaires? Ne voyons-nous pas régner l'article 75 de la constitution de l'an VIII, et un amovible, juger, présider à la cour de cassation, en vertu d'une constitution impériale, comme s'il avait le titre et l'office de grand-juge impérial, incompatibles avec la Charte et la liberté?

Au milieu de ces vicissitudes, les rois, les princes d'Allemagne ont imposé des constitutions, mais plusieurs d'une main trop parcimonieuse, ou d'une manière presque totalement illusoire.

Le roi d'Espagne, de retour dans ses états, prétendit annuler, sans la faire remplacer, la constitution de 1812, et sembla réussir un tems par le fer et par le feu, par l'inquisition et par les jésuites, dans le silence de la presse. La nation, déconsidérée au dehors, était opprimée au dedans par les délateurs et par les suppôts farouches du régime absolu: le roi lui même et sa famille étaient à la quête du nécessaire. Les conspirations éclataient, et les supplices des conspirateurs ne servaient qu'à enflammer l'esprit de conspiration générale.

Dans cet état, a commencé la seconde révolution espagnole. Enfin le roi s'est uni au peuple. La constitution de 1812 a été solennellement acceptée, publiée, exécutée. Les cortès ont été convoqués. Tel est le caractère, aussi ferme que patient et magnanime, de la nation espagnole, qu'une première session des cortès a déjà été, de concert avec le roi, tenue et terminée au milieu des complots renaissans de la vieille aristocratie cléricale et nobiliaire; et ces complots, restés impunis jusqu'à présent, par d'inconcevables retards de publicité, et des procédures publiques, selon la constitution, ont recommencé: ils sont assoupis, mais ils exigent encore une grande vigilance ministérielle et civique.

En même tems, la révolution, qui semblait moins urgente dans les Deux-Siciles que partout ailleurs, s'y est pleinement déclarée par l'adoption subite, hais provisoire, de la constitution espagnole de 1812. Elle a bientôt pénétré dans le Portugal. On l'y a jurée; on voudrait l'y voir déjà mise à exécution.

En 1815, et pendant les cent jours, les patriotes de 1789, les représentans électifs les plus ardens, mais les plus expérimentés, montrèrent plus de réserve. On leur proposa la constitution de 1791, prototype de celle d'Espagne, et ils aimèrent mieux en rédiger une autre où ils acceptèrent les deux chambres, et attribuèrent au roi le pouvoir nécessaire de dissoudre la chambre élective.

D'ailleurs, il y a dans la constitution espagnole des innovations heureuses, mais aussi quelques taches, et des longueurs, des répétitions, des équivoques, des minuties qu'on doit faire disparaître.

Puisqu'elle doit être incessamment révisée, non pas en Espagne, où il se peut qu'elle ait six ans d'une durée paisible, mais dans les Deux-Siciles et en Portugal, on a cru se rendre utile en présentant des observations, des vues modérées sur les avantages et sur les défauts de cette même constitution.

Il serait très-superflu d'essayer de la défendre contre une déclamation virulente publiée en d'abord allemand, et puis en français, par M. Haller, sous ce titre: La Constitution des Cortès d'Espagne, par M. Haller. Paris, 1820, 102 pages. On peut affirmer n'avoir pris lecture de cet ouvrage qu'après avoir entièrement achevé celui-ci. Lorsqu'un auteur écrit avec colère et dénigrement, lorsqu'il se livre aux égaremens de l'enthousiasme le plus aveugle, osant demander, pour le bonheur public, les douceurs de la torture, les bienfaits de l'inquisition, et le savoir faire des jésuites; enfin, conseiller aux rois le parjure et le bouleversement des lois fondamentales, il ne mérite que la compassion et l'oubli.

M. Bentham, à qui l'on doit en législation quelques idées vraiment utiles, parmi un grand nombre qui semblent ne pas l'être, et d'autres qui n'aboutissent qu'à changer plutôt les formules que les dogmes de la science, a donné aux cortès douze pages de conseils, publiés à Madrid, et dirigés contre l'établissement de toute chambre législative qui ne serait pas nommée par le peuple. Ces conseils ne sont pas exempts de passion dans le style; l'auteur avoue qu'il les donne dans l'intérêt de ce qu'on appelle en Angleterre le parti de la réforme radicale. Il prétend que la république des États-Unis d'Amérique a pris dans la constitution anglaise tout ce qu'elle a de bon. N'est-ce pas assez dire que les conseils de l'auteur se concilieraient mal avec la conservation d'un roi, d'un chef héréditaire? Or, cette conservation a toujours été supposée dans l'écrit suivant, supposée et admise comme un fait qui exige soumission, et comme un vrai besoin dans les civilisations anciennes.




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Introduction

Quid præstat qui consilium dat præter fidem?



DIG. de Reg. jur.                


La nation des Deux-Siciles, unie à son monarque, vivement émue du besoin d'établir un Gouvernement monarchique, libéral et constitutionnel, voulant la justice pour tous, et la soumission de tous à des règles faites pour l'intérêt de tous, a pris pour loi fondamentale ou constituante une version italienne et littérale de la constitution espagnole de 1812, sous la sage réserve que cette constitution pourra être modifiée par l'assemblée nationale, celle qui vient de s'ouvrir a Naples.

Les lois doivent être variées, à quelques égards, selon les teins et les lieux, et selon la différence des hommes pour qui elles sont faites; elles doivent être écrites dans la langue du pays, et lui être appropriées. La réserve d'une révision prochaine était donc nécessaire. Il s'ensuit que, dès à présent, et sans attendre les huit années d'exécution prescrites par l'Article 375, cette constitution doit recevoir les modifications désirables, a fin qu'elle puisse être, avec sécurité, définitivement et intégralement adaptée aux Deux-Siciles.

Ici, l'on entend par modifications désirables, les changemens qui paraîtront convenables au roi et aux députés des cortès assemblés à Naples, principalement pour ce grand objet. On suppose qu'ils jugeront désirable, quant au style, d'écarter ce qui ne peut convenir qu'à l'Espagne, et de préférer les dénominations italiennes aux expressions espagnoles; et, quant au fond, d'adopter les corrections, retranchemens et additions qu'ils croiront, dès à présent, les plus propres à consolider le gouvernement représentatif constitutionnel, en assurant la stricte, complète et paisible observation de la constitution, et sa fixité. Le plus grand mérite des lois excellentes ou médiocres, c'est d'être observées et stables. Bonne foi dans l'exécution, longueur de tems dans la durée, voilà ce qui a manqué davantage, en Europe, aux lois constituantes, et ce qui leur est le plus nécessaire.

La monarchie sicilienne est menacée d'une guerre pour son indépendance. Si cette guerre se déclare, on doit naturellement suspendre en tout, ou dit moins en grande partie, la révision constitutionnelle; un travail aussi important ne peut bien se faire que durant la paix, et au milieu d'une grande sécurité. Cependant une prompte et sage révision peut assurer la paix au dehors et la tranquillité au dedans. Mais il faut se garder des constitutions garanties par les puissances étrangères; elles détruisent l'indépendance nationale; elles sont des semences de troubles et de mort politique. Elles sont aussi le plus mal observées.

D'ailleurs, il est à souhaiter qu'on accélère la révision, afin que les lois à faire soient en exacte harmonie avec les nouvelles dispositions définitives, et avec les dénominations précises qui pourront être préférées à celles du texte espagnol.

On suppose, par exemple, que les noms devenus espagnols, et encore étrangers en Italie, ceux d'alcada, et cetera, seront remplacés par des mots propres à la langue italienne. Corti est d'autant plus inconvenant, qu'il supposait originairement des assemblées de plusieurs ordres de citoyens, Alcada signifie le cadi; il ne convient donc pas dans l'ancienne civilisation, et surtout dans un état libre que les Mauros n'ont pas dominé. Le nom de capo politico va bien à un roi, à un empereur; il n'est donc guère propre à un administrateur de localité grande ou petite. Le qualificatif politico s'applique avec justesse, non pas à une administration locale, subordonnée comme elle doit l'être, mais aux rapports entre l'état et les citoyens, ou entre les pouvoirs intérieurs suprêmes et les états voisins, les puissances extérieures. Provincia signifie radicalement pays conquis; donc il va mal dans une constitution libre.

Les changemens à faire doivent être, en quelque manière que ce soit, concertés avec le roi; ils doivent l'être au moins d'après des convenances qu'on ne saurait contester avec sagesse, et qui seront facilement senties. Suivant l'acte espagnol de 1812, Titre X, le roi n'a droit de sanctionner que les lois ordinaires; mais il est sensible que c'est une disposition dangereuse: il y a de l'imprudence à confier l'exécution d'une constitution nouvelle, à un prince qui serait sans garantie, s'il ne devait y avoir avec lui aucun concert pour la réformer. Comment les autres représentans, comment les simples citoyens seraient-ils garantis par une constitution qui ne garantirait pas même le chef de l'état?

Après ce court préambule, on va, suivant l'ordre de la constitution de 1812, indiquer les dispositions qu'il paraît le plus nécessaire de retenir intactes, et celles qu'il peut être sage de conserver, au moins dans la première réforme; enfin, celles qu'il semble nécessaire ou utile de modifier. Tours les Articles, malgré les divisions de Titres et de Chapitres, doivent ne former, comme clans l'acte de 1812, qu'une seule série. La raison en est évidente.

On pourrait, sans rien ôter d'essentiel, réduire à environ cent vingt Articles, les trois cent quatre-vingt-quatre de la constitution provisoire; mais on espère être plus utile, en procédant d'une manière moins concise et moins brillante.


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Préambule

Tout ce qui suit l'invocation de la Sainte-Trinité, n'a point d'application historiquement juste aux, Deux-Siciles. Il serait bon de le retrancher, et de faire suivre l'invocation d'un simple intitulé comme le suivant: «L'assemblée nationale, ou le parlement des Deux-Siciles, convoqué par le roi, sous le nom de cortès généraux et extraordinaires, en conséquence de l'adoption provisoire de la constitution des Espagnes de 1812, après un scrupuleux examen et une mûre délibération, a définitivement confirmé et décrété l'adoption de cette constitution, pour être, avec les modifications contenues au présent acte, la loi positive des lois de l'état, autrement la loi fondamentale des Deux-Siciles».

C'est la représentation nationale qui parle. On indique, par cette rédaction, que le roi fait partie de cette représentation, et qu'il en est le chef: cela serait d'ailleurs exprimé au Titre suivant.








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Titre Premier. De la nation et des citoyens


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Chapitre I. De la nation des Deux-Siciles

L'Article 1er porte. «La nation espagnole est la réunion des Espagnols des deux hémisphères». En substituant la nation des Deux-Siciles, et cetera., et retranchant les hémisphères, on peut garder cet Article; mais il est insignifiant et inutile, et d'ailleurs suppléé, Chapitre III, du Territoire.

L'Article 2: «La nation est libre, indépendante, n'est pas le patrimoine d'un homme ni d'une famille», est bon à conserver. Il paraît y avoir de l'inconvénient à le retrancher, lorsqu'il a été adopté provisoirement. La vérité qu'il énonce est incontestable, elle est inoffensive pour tous. Il ne peut en résulter aucune conséquence abusive, puisque l'hérédité du trône est reconnue et réglée dans un Chapitre subséquent.

Au lieu de l'Article 3, qui est équivoque et dangereux, et clairement contenu, en ce qu'il a de vrai ou d'exact, dans l'Article 2, il semblerait plus sage de substituer ici, à la théorie vague, équivoque de la souveraineté nationale, qui aurait besoin d'être expliquée dans un savant traité1, le principe de la délégation des pouvoirs, maxime féconde, sur laquelle il ne peut y avoir de raisonnable controverse. On dirait: «L'exercice de la souveraineté est confié par la nation, à l'assemblée nationale, ou au parlement composé du roi et de la chambre, ou des chambres ci-après établies. La constitution oblige le roi et les autres représentans. Ils ne peuvent en décréter la suspension ni la violation; mais ils peuvent seuls faire les lois ordinaires, et réviser et réformer la constitution, en observant, au premier cas, les règles qu'elle prescrit sur la législation commune, et au second, les formes qu'elle exige, Titre I, pour la révision».

On entend par la nation, tous les Siciliens (Article 1er), tous les Siciliens, comme ils sont définis Article 5, lequel comprend les femmes, les enfans, les insensés, les prolétaires, et cetera. Or la souveraineté ne peut résider ni chez les enfans, par exemple, ni chez les femmes, ni dans les mâles qui, par l'âge, les infirmités ou autrement, doivent être, pour le salut commun, exclus du vote civique. On ne sait pas ce que c'est qu'une résidence essentielle, et ce qui peut s'ensuivre. La souveraineté d'ailleurs ne peut résider dans les citoyens actifs que limitée par la raison, par les droits naturels inaliénables, et pour être nécessairement déléguée, quant à son exercice, à des personnes chargées de l'autorité législative et exécutive; voilà plus de motifs qu'il n'en faut pour écarter l'Article 3, lors même qu'il n'aurait aucun danger. Mais admettez dans le texte de la constitution ou rejetez-en la souveraineté nationale définie le plus exactement, il pourra toujours arriver des révolutions au profit du despotisme, si l'on souffre les lois d'exception, ou des mesures anti-constitutionnelles; et il y aura toujours des révolutions funestes au trône et à la dynastie, si les grands pouvoirs deviennent ou paraissent au grand nombre véritablement oppresseurs. Il n'y a ni constitution, ni profession politique, ni serment qui retienne absolument les rois, ni les ministres, ni leurs courtisans, ni le peuple, et qui dispense les citoyens d'une sage vigilance. Il est donc inutile autant qu'il est dangereux, vu l'état présent de la science commune, d'énoncer directement et formellement, dans la constitution, la doctrine équivoque de la souveraineté nationale. Il suffit bien de l'y supposer dans un sens exact, en se tenant au principe de la délégation des grands pouvoirs, tel qu'il est indiqué, ou supposé, ou enseigné de tout tems, et dans presque tous les livres sacrés ou profanes. Or, en ce sens exact, elle est clairement contenue au Titre I, Chapitre I, Article 2, et dans l'Article 3, tel qu'il est proposé page 15.

Il est aussi facile d'abuser de la souveraineté nationale, que du droit divin et de la légitimité. Mais les hommes qui veulent être libre, réciproquement, les despotes et les serviles; ne gagnent rien, absolument rien, ni à combattre l'une ou l'autre de ces idées comme une erreur absolue; ni à l'exagérer, ni à s'en targuer comme d'un bouclier de salut. Ce qu'il faut aux peuples et aux rois, ce sont des garanties réelles, c'est la fidélité réciproque à leurs engagemens, c'est la probité civique, et non pas des textes à contestation.

Article 4. Dire que la nation doit protéger par des lois sages, et cetera., c'est supposer clairement et faussement que l'action législatrice peut être exercée par la nation, ce qui serait l'anarchie même, et l'anéantissement de la constitution adoptée. On propose de substituer cette formule: «L'assemblée nationale ou le parlement (composé comme il vient d'être dit) est dans l'obligation de protéger par, et cetera.».

Il est bien évident que cet Article ainsi corrigé est assez compris dans l'Article qui précède; mais la répétition, si on la veut, est sans danger.




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Chapitre II. Des Siciliens

Une partie de ce Chapitre est peu nécessaire. Le conservant en entier, pour le fond, il serait au moins utile de prendre en considération les changemens qui suivent:

L'Article 5 fait mention d'hommes libres et d'affranchis. Cela ne peut convenir aux Siciliens; cet Article serait donc ainsi conçu:

«Sont Siciliens:

1.º Tous les hommes nés et domiciliés dans le territoire de la monarchie des Deux-Siciles;

2.º Les personnes étrangères naturalisées par décret du parlement;

3.º Toutes personnes qui ont depuis dix ans complets leur domicile légal en quelque lieu que ce soit de la monarchie».



Supprimer le numéro quatre de l'Article 5.

Il conviendrait de laisser au roi la naturalisation qui ne donne que des droits privés.






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Titre Deuxième. Du territoire des Deux-Siciles, de sa religion, de son gouvernement et des citoyens espagnols


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Chapitre I. Territoire de la Monarchie

Sans doute il faut remplacer l'énumération de l'Article 10, par celle qui peut seule convenir aux Deux-Siciles.

L'Article 11 promet une division territoriale, par loi constitutionnelle, quand les circonstances le permettront. Cette disposition a paru nécessaire en Espagne, où les divisions sont trop inégales, et où il fallait peut-être tâcher de satisfaire ainsi à l'attente du public, sans remettre à cet égard les espérances à l'époque de la première révision, et sans s'obliger positivement d'y satisfaire même à cette époque.

Mais toute promesse d'une division générale du territoire annonce le déplacement des autorités actuelles, et des changemens d'habitudes locales chères à une partie des citoyens; elle est par-là même très propre à fomenter les inquiétudes, les discordes et les troubles. Les vices de la division, s'il y en a, sont moins graves et moins urgens dans les Deux-Siciles qu'en Espagne; il est probable qu'elle peut être ajournée indéfiniment, sauf à s'en occuper à l'époque d'une révision.

Ainsi, l'on propose de retrancher l'Article 11, ou d'y substituer, à peu près, la disposition suivante:

«La division, la délimitation actuelle du territoire sicilien, en cercles ou départemens, et arrondissemens ou districts, telles qu'elles sont exprimées à la suite du présent Article, sont confirmées, et ne pourront être changées que suivant les formes prescrites pour la revision, ci-après, Titre dixième: toute autre division et délimitation territoriale appartiennent à la législation ordinaire».

(Suivrait le détail de la division actuelle)




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Chapitre II. De la Religion

L'Article 12 défend absolument, dans les Deux-Siciles, l'exercice de toute autre religion que la religion catholique. Il faudrait dire l'exercice public, autrement ce serait défendre l'exercice domestique ou privé de la religion juive, de la religion chrétienne réformée et de la religion mahométane, qui sont très-répandues en Europe, et auxquelles sont attaches, respectivement une foule d'hommes qui séjournent ou qui résident dans les Deux-Siciles; ce serait s'écarter également de la justice naturelle et de l'esprit de l'Évangile; ce serait en quelque sorte renoncer au commerce extérieur, et aux relations diplomatiques les plus nécessaires. Ou cette disposition ne serait pas exécutée, ce qui produirait un affaiblissement de la constitution entière, ou il y aurait un reste du régime de la soi-disant sainte inquisition; ce reste même serait un outrage à la nature et à la religion catholique, et il se transformerait naturellement en inquisition d'état, destructive de toute justice et de toute liberté.




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Chapitre III. Du Gouvernement

Tous les Articles de ce Chapitre sont inutiles. Le premier est équivoque et dangereux par sa généralité; les autres font un double emploi, étant rapprochés de ce qui précède et de ce qui suit.

Si on les conserve, il conviendrait de modifier ainsi le premier: «L'objet du gouvernement est l'indépendance au dehors et la sûreté intérieure de l'état, ainsi que le bien-être des Siciliens, autant qu'il peut résulter de la stricte exécution des lois fondamentales et des lois ordinaires, conformes à la constitution». Les quinzième, seizième et dix-septième articles sont répétés dans l'Article 3 ci-dessus, dans l'Article 170, dans le Chapitre 7 du Titre 2, et dans l'Article 242.




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Chapitre IV. Des Citoyens

Il peut suffire d'approprier par l'expression ce Chapitre aux Deux-Siciles, et de bien distinguer naturalisation civile et naturalisation politique.

Il est intitulé des Cortès, et contient, Chapitre 17, les règles générales de leur composition; Chapitres 2, 3, 4, 5, 6, celles de leur élection et de leur convocation. Le Chapitre 7 détermine leurs attributions; au Chapitre 8, il est traité de la formation des lois, et Chapitre 9, de leur promulgation; le 10 est intitule de la députation permanente; et le 11 et dernier, des Cortès ou du parlement extraordinaire.






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Titre Troisième

Ici deux questions préliminaires se présentent: Y aura-t-il une seule chambre? y en aura-t-il deux? et le roi pourra-t-il dissoudre la chambre élective?

On a déjà observé que, dans tout pays anciennement civilisé, qui a été long-tems soumis au pouvoir absolu, qui est obstrué d'oligarchie féodale, cléricale, nobiliaire, le retour à un gouvernement libre se compose de trois opérations successives: d'abord la révolution qui constate la volonté d'être libre, et s'empare de la puissance nécessaire pour le devenir; ensuite, la destruction des vieilles institutions qui formaient l'édifice du despotisme et de l'oligarchie; enfin, la réorganisation constitutionnelle représentative, garantissant les droits de tous. Telle est la marche commune. Mais les événemens divers, survenus depuis trente ans dans les Deux-Siciles, ont détruit dans ce royaume les grands abus sociaux, les grands obstacles à la prospérité générale. La noblesse et le clergé n'y sont plus des ordres privilégiés ni politiques; le régime féodal y est supprimé; on n'y reconnaît plus de privilège pour le paiement des impôts, ni pour l'admission aux emplois publics les plus élevés. Le pouvoir judiciaire n'y est plus patrimonial; il a l'indépendance pour ses jugemens; les jurés vont y être établis en matière criminelle, et une sage formation les préservera du caractère odieux et insupportable de commissaires extraordinaires du pouvoir exécutif; en succession ab intestat, le partage égal y est établi; la lèpre des substitutions et celle des majorats a cessé d'y corrompre les familles, d'y moissonner les générations qu'on osa dire intempestives. La tyrannie des confiscations y est abolie; on n'y a jamais souffert, on y a toujours abhorré l'inquisition; et il est difficile qu'on y souffre, une société religieuse reconnue perturbatrice par les lois, et par la décision d'un des plus respectables pontifes de Rome; décision très-motivée et révoquée arbitrairement, sans la réfuter en aucune sorte.

Dans cette heureuse position, la périlleuse unité de chambre n'est point commandée; il n'est aucune loi sage, pour laquelle on n'obtienne avec facilité l'assentiment du roi et des deux chambre qui seraient établies.

Ce triple concours avait jusqu'ici, dans tous les tems et même dans tous les états populaires, été admis avec des résultats heureux les plus désirables2. On l'avait cru nécessaire pour la stabilité du gouvernement, pour garantir la nation et l'autorité royale contre le despotisme d'un seul corps législatif, enfin comme l'unique moyen de prévenir efficacement l'extrême danger des grands changemens subits, ainsi que des délibérations téméraires et précipitées.

La constitution française de 1791, avec une seule chambre, a promptement péri; notre première législature française prononça l'abolition de la royauté; la convention républicaine de France n'a commis tant d'excès et si long-tems, que parce qu'elle était chambre unique; elle-même a reconnu que la division de l'assemblée législative en deux sections est indispensable.

On sait ce qu'il y a à dire contre certaines chambres des pairs. Mais tout ce qu'on objectera contre elles, ou plutôt contre leur majorité, contre le mode de leur formation, contre leurs actes, ne peut s'appliquer à un sénat, à une chambre des anciens, dont les membres ne seraient distingués que par l'âge requis, par l'inamovibilité, par l'éclat des talens et des services.

Si la position personnelle de l'auteur de cet écrit lui permettait de rappeler ce qu'il sait et ce qu'on sait en Europe des chambres héréditaires qui existent, et qui inspirent tant d'aversion en Espagne, en Italie, et cetera, il pourrait aisément démontrer que le mal qu'on leur impute vient des circonstances accidentelles, temporaires, locales, et non précisément de l'institution en elle-même, ou du moins telle qu'on peut la créer pour les Deux-Siciles.

Quand on s'effraie de l'hérédité d'après de pareils exemples, on ne considère pas assez que les sénats ou les chambres héréditaires sont de fait renouvelés par tiers ou presque moitié, non par succession mais par nomination quelconque, plus ou moins politiquement déterminée. On arrive ou l'on reste sans descendance à tous les postes, mais surtout aux plus élevés; c'est une expérience de tous les siècles et une grande considération pour les plus chauds amis de l'égalité politique.

Un sénat temporaire peut suffire au maintien d'un gouvernement tout électif; mais il est trop faible dans une monarchhie héréditaire. L'hérédité d'une famille royale a besoin de l'hérédité de magistrature dans plusieurs familles. Autrement la maison régnante sera toujours sans sécurité, toujours dans une défiance fondée et très-ennemie de la tranquillité publique. De fait ou de droit, l'hérédité patricienne ou sénatoriale s'introduira dans toute monarchie héréditaire; mais si tous les citoyens y peuvent aspirer; elle tuera le mal des autres hérédités. Établissez-la donc constitutionnellement tôt ou tard, mais sachez la bien organiser, la bien circonscrire; surtout assurez au peuple une liberté la plus complète pour le choix de la chambre élective; créez avec sagesse des conditions de capacité pour entrer dans le sénat: tels sont les moyens d'éviter que les sénateurs ne causent des révolutions contre la liberté publique. De quelque côté que se tourne le roi, dit Montesquieu, il emporte à la fin la balance; si donc vous ne voulez pas détruire la royauté, faites que le roi soit et doive être ou content de son lot, ou inexcusable de ne l'être pas. Il faut des rois, du moins aux vieilles civilisations, car elles ne peuvent s'en passer qu'en se livrant a des agitations continuelles ou au despotisme militaire. Donnez donc aux rois et à leurs familles toute la sûreté compatible avec les garanties générales de la nation.

Quelques personnes vantent comme une admirable découverte la nouvelle espèce de conseil-d'état créée parla constitution d'Espagne. Elles disent que ce conseil peut tenir lieu d'une première chambre, qu'il peut arrêter l'imprudent essor d'une chambre unique de représentans.

C'est pure illusion. D'abord ce conseil est nommé sur la liste triple présentée par les cortès, et il est inamovible. Le roi ne peut avoir d'autres conseillers; ensuite ce conseil ne peut que donner des avis; il les donne en secret; il n'est point tenu de rédiger ni de publier ses actes. Il n'a donc point les caractères, ni l'autorité, ni la visibilité d'une chambre législative; il ne peut donc effectivement balancer l'assemblée des cortès.

Supposons, ce qui n'est ni impossible, ni sans exemple, que le corps législatif unique déclare la déchéance du roi ou l'abolition de la royauté, qu'il veuille l'arbitraire, le pur arbitraire par loi; qu'il entende faire des proscrits ou d es suspects, et les exiler, ou pour le moins les emprisonner discrétionnairement; que de la liberté de la presse dans les journaux, il veuille faire le monopole et l'arme d'un parti; qu'il prétende se partager le trésor public par forme d'indemnité toute privilégiée, ou révoquer les aliénations de biens vendus ci-devant comme nationaux; ou sans formes spéciales, renverser même le système constitutionnel des élections en faveur du privilége ou de la démagogie; on qu'enfin, par des lois ou suspensives ou permanentes, mais artificieuses et oppressives, il batte en ruines les libertés publiques; faudra-t-il que le roi cède aux agresseurs? sera-t-il réduit, en leur cédant, à les nommer introuvables? Et qu'arriverait-il, si, à la suite des puissantes et profondes intrigues, des passe-introuvables entraient dans la chambre unique, et venaient y renforcer la majorité déréglée? Sans doute alors, c'est un remède qu'une chambre collatérale bien composée; et si elle-même a cédé à la contagion, tout est perdu, à moins que le roi n'ait le droit de séparer l'assemblée et d'en appeler à la nation. Il faut donc admettre deux chambres législatives, et de plus accorder au roi la puissance de dissoudre la chambre élective.

Revenant au Titre 3, on pourrait l'intituler de la Représentation nationale, ou du Pouvoir législatif, ou du Parlement. Le premier Chapitre serait intitulé Dispositions générales sur l'exercice du pouvoir législatif; le second, du Sénat ou de la Chambre inamovible; le troisième, de la Chambre des Députés ou des Représentans électifs; le quatrième, de l'Élection des députés ou des... et cetera; le cinquième, de la Sanction et de la promulgation des lois; le sixième, de la Députation permanente, et le septième, du Parlement extraordinaire, s'il est conservé pour un tems. On fondrait dans ces Chapitres tout ce qui serait adopté des dix Chapitres du Titre 3.


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Chapitre I. Dispositions générales sur l'exercice du pouvoir législatif

En voici l'esquisse:

Article 1er. «La puissance législative, confiée à la représentation nationale qui constitue le parlement, est exercée librement et séparément par la volonté collective du roi, du sénat et de la chambre élective ou des représentans électifs».

En tout gouvernement constitutionnel représentatif monarchique, il est incontestable que le caractère de représentant appartient au roi et à la chambre inamovible ou héréditaire, ainsi qu'à la chambre élective. Il est utile de l'énoncer. Le roi est en effet le premier et le principal représentant de la nation, ou il n'est rien.

Article 2. «Aucune loi ne peut exister que parle concours et l'accord successif du roi et des deux chambres».

Cet Article n'a d'inconvénient que de répéter ce qui est déjà dit.

Article 3. «Il faut une loi pour déroger à une loi et pour l'interpréter par voie de disposition générale».

Le motif de cette clause finale est sensible. Le juge et l'administrateur, pour appliquer les lois, sont forcés souvent de les interpréter, et c'est avec l'autorité qui leur est propre qu'ils interprètent, dans leurs actes d'application, la loi qu'ils trouvent obscure. Ils doivent pour l'ordre, juger et administrer sans attendre l'avis du législateur, qui autrement jugerait et administrerait. Mais il appartient au législateur seul, de donner avec autorité et par voie de disposition générale, une interprétation de loi qui soit obligatoire pour tous.

Article 4. «Chacune des trois branchés du parlement a l'initiative pleine et directe pour des propositions de loi et des amendemens à ces propositions».

Article 5. «Une proposition de loi rejetée par une des branches du parlement dans une cession ne peut être présentée de nouveau que dans une autre session».

Article 6. «Les deux chambres sont convoquées ordinairement par le roi, pour une session de trois mois par année. A défaut de convocation par le monarque, avant le I [...], les chambres s'assemblent de plein droit au I [...] de chaque année».

Article 7. «Les chambres peuvent proroger leur session ordinaire d'un mois au plus, mais en deux cas seulement, 1.º: sur la proposition du roi; 2.º: quand elles le jugent nécessaire à la majorité des deux tiers des voix dans chaque chambre, sauf le droit royal énoncé dans l'Article suivant».

Article 8. «Le roi peut, en quelque tems de l'année que ce soit, dissoudre la chambre élective; mais pour opérer la dissolution, il faut que la proclamation qui dissout convoque les assemblées électorales et indique la session du parlement pour le cinquantième jour, au plus tard, après celui de la dissolution».

Article 9. «Les sessions du parlement se tiennent ordinairement dans la capitale du royaume; les chambres s'assemblent chacune clans un édifice destiné à cette unique fin».

Article 10. «Elles ne peuvent être transférées du lieu actuel de leurs séances qu'en vertu d'une loi spéciale faite du consentement constaté des deux tiers au moins des votans dans chaque chambre».

Après ces Articles, serait inséré, avec les changemens nécessaires dans l'expression, l'Article 131 de la constitution espagnole sur les attributions des Cortès, à commencer au numéro 3 de cet Article, jusques et compris le numéro 26. Et puis viendraient les Articles 126, 127, 129 et 130 de cette même constitution. On établirait ensuite la publicité des séances ordinaires, sauf la faculté de discuter secrètement certaines questions, dans chaque chambre, à la demande d'un sixième des membres présens. La publicité ainsi modifiée est absolument nécessaire dans les deux chambres. Il a fallu en venir là en Angleterre en écartant par le seul usage une loi de secret très-formelle.

L'expérience a prouvé en France que les délibérations secrètes dans les chambres tournent contre la liberté: elles sont d'ailleurs très-inquiétantes pour le peuple.

Les clubs des membres d'une chambre entre eux l'ont aussi plus de mal que de bien. Il suffit qu'une loi ordinaire ou les réglemens des chambres défendent ces clubs. Il n'y a qu'un moyen de les empêcher, c'est de les rendre inutiles en ordonnant pour chaque chambre et chaque séance un ou deux comités secrets, une ou deux conférences secrètes et purement préparatoires au lieu même des séances. On y discuterait, sous la présidence du doyen d'âge, sans pouvoir y prendre aucune délibération; et dans chaque chambre aucun membre ne pourrait en être exclus.

Ce n'est point aussi dans ces assemblées libres qu'on nommerait les commissions; mais plus ces nominations sont importantes, plus il importe de ne pas les abandonner à des clubs. Il ne faut pas aussi consumer le tems des sessions à les nommer au scrutin. Avec des clubs en chaque chambre, il y aura toujours une partie saine, paisible, éclairée des membres, qui sera exclue des commissions au dommage public. Le choix d'une partie au moins de chaque commission doit être fait par colonnes sur toute la liste générale, et selon l'ordre d'inscription dans chaque colonne.

Article. «Pendant qu'un citoyen fait partie de la législature assemblée ou non assemblée, il ne peut être arrêté pour dettes, ni poursuivi, ni arrêté pour contravention quelconque, hors le cas de crime flagrant, si ce n'est en vertu d'autorisation de la chambre à laquelle il appartient».

Article. «Pendant chaque session, un mois avant et un mois après, toute procédure civile contre un membre de l'une ou de l'autre chambre demeure suspendue, s'il n'y a consentement contraire de ce membre».

Article. «Les membres de chaque chambre ne peuvent être recherchés en aucun cas, ni en aucun tems, par aucune autorité. Mais ils sont soumis en chaque chambre aux réglemens d'ordre on de police intérieure, que chacune a droit de faire et d'abroger».

Une disposition de l'Article 128 porte que les membres de l'assemblée des Cortès ne seront jugés, en matière criminelle, que par cette assemblée formée en tribunal. S'il était maintenu, il se pourrait, ou que les grands procès criminels contre ces membres ne fussent jamais jugés, ou que le service public en souffrît très-probablement, ou il faudrait que les séances des chambres fussent permanentes. On pense donc que le privilége d'être jugé, en affaire criminelle, par la chambre dont on est membre, ne doit point avoir lieu pour les membres de la chambre élective; mais qu'il doit y avoir, pour les deux chambres et pour d'autres grands personnages, et pour certains crimes politiques définis par la loi, un haut tribunal criminel qui doit être placé naturellement dans la chambre du sénat on du conseil des anciens, afin que, sans perdre de vue la justice naturelle et légale, il se décide aussi par la raison d'état, par le motif du salut public, ce que ne peuvent guère les tribunaux communs. Ce haut tribunal doit tenir sa compétence uniquement de la loi, jamais du prince; et jamais on ne doit souffrir que cette compétence, ou littérale ou interprétative, se trouve scindée par aucune autorité. Mais les détails sur ce sujet appartiennent aux lois ordinaires.

Si le tribunal criminel politique est assez nombreux, il doit être divisé en sections d'instruction, d'accusation, de jugement et de révision pour causes prévues par la loi. S'il est trop peu nombreux, il faut régler qu'il sera suppléé par des assesseurs pris dans des tribunaux supérieurs, et selon un ordre déterminé par la loi. Chacun des juges et des assesseurs ne doit connaître que de l'instruction, ou de l'accusation, ou du jugement, ou de la révision, et des récusations doivent être admises et jugées.

Encore quelques Articles relatifs à ce Chapitre I, et très-digne d'entrer dans la constitution.

Article. «Les chambres ne peuvent délibérer qu'il la majorité absolue des membres présens, et lorsqu'il y a la moitié des membres dans la chambre».

Article. «Les propositions d'impôt ou d'emprunt, et les demandes de levée d'hommes, sont présentées d'abord à la chambre élective. C'est aussi à cette chambre que sont portés d'abord l'aperçu des recettes et des dépenses de chaque ministère, l'application des fonds assignés pour l'année à chaque division du ministère; et le compte des recettes et des dépenses des années précédentes, avec distinction: de chaque division dans chaque ministère, et distinction de Chapitres pour chaque division».

Article. «Aucune somme allouée pour un Chapitre de la dépense, ne peut être reportée au crédit d'un antre Chapitre, et employée, sans une loi, à d'autres dépenses».

Article. «L'impôt général direct n'est voté que pour un an; les impôts indirects peuvent être votés pour cinq ans».

Article. «Aucune place, aucune partie du territoire ne peut être déclarée en état de siège, que dans le cas l'invasion imminente ou effectuée de la part d'une force étrangère, ou de troubles civils».

Dans le premier cas, la déclaration est faite par un acte du roi, contresigné d'un ministre; dans le second, elle ne peut l'être définitivement que par une loi. Si, le cas arrivant, les chambres ne sont pas assemblées, l'acte déclarant l'état de siége doit être ou approuve par les chambres, ou converti en une proposition de loi, dans la première quinzaine de la plus prochaine session.

Article. «Tout homme a droit de présenter des pétitions, par écrit, à l'une ou à l'autre des chambres; toutes pétitions, en personne et à la barre, sont interdites».

La nécessité de cette double disposition est assez justifiée par l'expérience.




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Chapitre II. Du Sénat, ou de la Chambre inamovible, ou des Pairs, ou des Anciens

Il ne sert de rien d'honorer les membres de cette chambre, du nom magnifique de pairs, c'est-à-dire d'égaux, dans la participation à l'exercice de la souveraineté. Ce beau nom de pair est antérieur aux ténèbres féodales; il aurait pu heureusement leur survivre.

Mais, diviser pour régner, c'est le vieux secret de tous les ministres. Ainsi, toujours et partout le ministère s'efforcera d'atténuer et d'éteindre, par les faits, l'égalité politique essentielle entre ces hauts magistrats, pour qu'ils atteignent les nobles fins de leur institution, il s'efforcera toujours, si on veut le souffrir, de les subordonner entre eux, et d'écraser, leur dignité constitutionnelle par des distinctions futiles de principauté nominale, de cousinage à brevet, ou par les Titres d'une féodalité fantastique, par des rangs, des bancs, des rubans, par d'autres étiquettes de palais, et cetera; que sait-ou? peut-être même par dotation ou salaire légal, qui sera double et triple ou quadruple, en égalité de fonctions, et en raison inverse du talent, des services, et quelquefois des souvenirs de la naissance.

Le public rit3 de ces bizarreries qui sapent l'égalité, quelquefois sous prétexte de la varier; mais le mal politique se consomme, les exemples dans le premier corps de l'état, gangrènent toutes les autorités. Il importe peu de dire les pairs, ou les anciens, ou les sénateurs; mais il est important qu'à l'exception des princes de la famille royale et du président, il n'y ait, pour les membres de la première comme de la seconde chambre, aucune supériorité, ni légale, ni réglementaire, ni d'étiquette. Si, par un préjugé mal conçu, mais facile à expliquer, les libéraux prenaient ombrage du Titre de pair, il reste celui de sénateur ou d'ancien, entre lesquels on petit choisir. Le premier est reçu encore dans la république des États-Unis, et le second a désigné les magistrats de la France, lorsque, cherchant le mieux absolu, elle avait quitté le bien relatif, et entrepris, pour son malheur, de se passer de rois.

La chambre des anciens étant destinée à soutenir la royauté, et à préserver la nation des mouvemens précipités d'une seule chambre, doit être nommée, en définitive, par le roi, dont la puissance a le plus besoin d 'être garantie contre ces mouvemens.

L'expérience a trop prouvé qu'une création subite de soixante pairs peut bien être inutile pour empêcher de violer la constitution au profit de l'arbitraire et ces priviléges. Ainsi, l'on propose de ne pas laisser illimité le nombre des sénateurs, ou anciens, ou inamovibles, mais de fixer le minimum et le maximum de leur nombre, qu'il serait convenable de porter à cinquante au moins, et soixante-quinze au plus, supposant la chambre élective de cent cinquante.

S'ils sont dotés, ce qui convient beaucoup, les dotations doivent être égales et en rentes sur le trésor public. De même, leur traitement devrait être égal, s'ils ne sont que salariés.

Ils doivent être inamovibles, et, je le crois, héréditaires dans la ligne directe, ou il doit être dit que le roi choisira dans toutes les familles du royaume, parmi ceux qui ont au moins l'âge de 35 ans révolus, et qui auront montré le plus de lumières et rendu le plus de services à la patrie. A compter de [...], nul ne pourrait être nommé pair, s'il n'avait été au moins une fois membre de la chambre élective, et n'en avait rempli les fonctions pendant une session entière. La première nomination, seulement, serait faite par loi, et concertée entre le roi et l'assemblée des représentans électifs. Il y aurait des conditions de capacité.

Les princes de la famille régnante seraient de droit membres du sénat. Ils y auraient, ainsi que tous les pairs de naissance, entrée et séance à vingt ans, et voix délibérative à l'âge fixé pour les autres membres.

Le rang des anciens, ou sénateurs ou pairs, serait réglé, pour toute occurrence, par la date de leur réception. Il ne pourrait y avoir d'exception que pour les princes de la famille régnante; et ceux-ci n'auraient de séance qu'avec l'agrément du roi, qui serait donné ou omis pour chaque session entière, le jour de l'ouverture du parlement.

Le président de la chambre inamovible serait nommé par le roi, parmi les membres de cette chambre, sur une liste de trois membres présentés par la chambre; il y aurait un vice-président d'élection annuelle et libre.

Il devrait encore être établi, que la dignité de pair ou sénateur, ou, et cetera, et celles de représentans électifs, sont les premières de l'état après le roi; que les sénateurs ou, et cetera, peuvent être ministres, ambassadeurs, grands-officiers de la couronne, et servir dans les armées de terre et de mer, que tout autre emploi salarié leur est interdit.

Enfin, que la chambre inamovible ne peut se réunir valablement, hors du tems des sessions, si ce n'est pour l'exercice de ses attributions judiciaires, qui n'exigent pas la présence de la chambre élective.




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Chapitre III. De la Chambre des Représentans électifs

On va proposer, d'abord, en peu de mots quelques dispositions qui paraissent le plus désirables. On s'expliquera ensuite sur les Articles difiérens ou contraires, relatifs à la matière de ce Chapitre, et qui existent dans la constitution espagnole.

Article 1er. «Pour former cette chambre, il est nommé un député par chaque collége électoral d'arrondissement et par chaque collège électoral de département. Le nombre des députés est porté au tableau ci-joint...». On le suppose de 150 pour les Deux-Siciles, savoir, un par chaque arrondissement ou partito, et les autres, distribués selon la population, entre tous les colléges de département.

Article 2. «Nul n'est éligible s'il n'a au jour de l'élection vingt-cinq ans accomplis, et s'il n'est citoyen des Deux-Siciles, par sa naissance et par son domicile actuel. Les colléges d'arrondissement ne peuvent choisir hors le département (la province). Les colléges de département peuvent choisir dans tout le royaume».

Article 3. «La chambre élective vérifie les-pouvoirs de ses membres, et prononce sur la validité des élections contestées.

Son président est nommé parle roi, suivant les formes ci-dessus fixées pour celui de la chambre des pairs ou des, et cetera».

Article 4. «La chambre nomme seule et directement, pour chaque session, deux vice-presidens et quatre secrétaires».

Article 5. «Les membres de la chambre élective reçoivent, pour chaque jour, une indemnité de voyage ou de présence, la même que celle des juges du tribunal suprême; et le paiement en est réglé par la loi sur le trésor de l'état».

Il faut se ressouvenir que cet Article d'indemnité est essentiel au maintien des libertés publiques; il se trouve heureusement dans la constitution espagnole; les ministres et l'aristocratie sont venus à bout d'en priver la France; il était dans nos lois avant et depuis 1814. En le supprimant en 1815, et en confirmant depuis cette suppression, l'on a fait une immense brèche à l'édifice de nos garanties politiques, on a donné d'énormes avantages à la ligue des priviléges devenue toute puissante.

Article 6. «Les secrétaires d'état, les conseillers d'état, les comptables de deniers publics, les intendans ou préfets, et tous employés dans la maison du roi, ne peuvent être élus membres de la chambre élective».

C'est le 95 Article de la constitution espagnole. On ajoute ici les comptables de deniers publics. Cette addition est conforme à ce que prescrivent la nature des choses et les constitutions les plus estimées. Les secrétaires d'état rendant les comptes à la nation, ne peuvent pas, comme députés, juger ces mêmes comptes; faisant les propositions du roi aux chambres, ils ne peuvent pas voter ces mêmes propositions dans les chambres. Les qualités d'agent et de patient sont naturellement incompatibles. Seulement il faut que les ministres aient l'entrée des chambres pour y faire les propositions du roi, pour y donner, avec discrétion les éclaircissemens qu'on leur demande, et ceux qu'ils peuvent juger eux-mêmes nécessaires. Il n'est pas expédient que les ministres, dans les chambres, osent demander par exemple le pur arbitraire, ni la suspension, ni la violation de la constitution. Mais c'est une calamité lamentable, quand ils peuvent faire de pareilles demandes, et les décréter eux-mêmes par leurs votes. Ils en usent avec tant d'habileté que le mal devient immense, et que bientôt on n'aperçoit plus aucune ressource légale!

L'Article 96 admet à la représentation élective un étranger nationalisé par les cortès. Le parlement d'Angleterre a rejeté cet effet de la naturalisation. Il n'est point nécessaire; il n'a aucun réel avantage; il peut beaucoup nuire. L'expérience l'a prouvé même en France, en 1793 et 1794. La France n'en est pas devenue plus sage; mais la docte et généreuse Italie n'est pas tenue d'imiter les fautes de ses voisins.

Article 7. «Nul employé public dans un département, à moins qu'il n'en soit natif, ne peut y être élu député à la chambre élective».

C'est une disposition de l'Article 97 de la constitution d'Espagne; elle est rigoureuse. Il faudrait dire: Nul employé public et révocable, et cetera.

Article 8. «Si un membre de cette chambre est appelé à une fonction publique administrative ou judiciaire, le collège électoral qui l'a nommé est convoqué pour procéder à une nouvelle élection, dans laquelle ce fonctionnaire demeure éligible». Ici, viendraient les Articles 129 et 130 de la constitution espagnole qui érigent en délits la sollicitation de grâces si difficile à prouver, et qui ne prononcent aucune peine, pas même la nullité des grâces indûment sollicitées. Renvoyer l'examen de ces deux Articles à la législation pénale.

Article 9. «Hors le cas de dissolution par le roi, la chambre élective se renouvelle par quart ou par cinquième chaque année».

«A toutes les élections, les membres sortans sont rééligibles».

Toutes les dispositions de cet Article 6 sont justifiées par une longue expérience.

Le renouvellement intégral tous les deux ans, et hors le cas de dissolution, et l'exclusion du renouvellement partiel, et de la réeligibilité indéfinie, exposeraient la société à des crises fréquentes et trop dangereuses; elles empêcheraient la formation de députés vraiment hommes d'état, par la réunion du talent oratoire à la science et à la pratique. Le renouvellement entier ou par moitié, par cinq ans ou par sept ans, ne serait, dans les Deux-Siciles, que le triomphe du despotisme des ministres, et de l'oligarchie. Voyez l'Angleterre. Le grand signal de la dernière attaque aux libertés françaises, a été le système du renouvellement intégral; et le renouvellement à peu près par moitié (avec le double vote), a déjà donné un résultat déplorable qui inquiète et contriste tous les libéraux, et, on ose le dire, les ministres eux-mêmes.

Article 10. «Tout commandant d'armée de terre ou de mer, peut être accusé par la chambre des représentans, pour avoir compromis, par sa faute, la sûreté ou l'honneur de la nation. En ce cas il est jugé comme il sera dit ci-après pour les secrétaires d'état».




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Chapitre IV. Du choix des Représentans électifs

Suivant la constitution d'Espagne, le droit d'élection est universel; il a trois ou quatre degrés. Les habitans des petites paroisses envoient des compromissaires à la grande; ces compromissaires, avec les habitans des grandes paroisses envoient des délégués à l'arrondissement ou partito. Les délégués du partito envoient leurs propres délégués au chef-lieu de la province ou département; ceux-ci élisent les députés; et peuvent n'être que cinq pour concourir à l'élection s'il n'y a qu'un député à élire. Chaque grande ou petite paroisse, chaque district'et chaque province doit donner des pouvoirs généraux dont la formule est de rigueur et constitutionnellement prescrite avec sagesse.

Il est clair qu'il y a la une perte de teins fort onéreuse aux citoyens indigens ou aisés, et nulle participation effective à l'élection, à moins qu'ils ne se trouvent agir au dernier des quatre degrés; et la classe de ce plus haut degré peut être si peu nombreuse, qu'il n'y ait à vrai dire qu'un fantôme d'élection.

Dans les mêmes formes trop illusoires, il faut encore nommer des suppléans aux députés. Cela est compliqué, et met en mouvement sans utilité et avec péril de corruption trop aisée, la population entière, celle même qui ne paie pas d'impôt.

Fort inutilement on prescrit, pour un tems à venir et incertain, la nécessité d'établir un cens afin d'être éligible, puisqu'il suffirait d'en exiger un des électeurs, et qu'au moyen de cette précaution l'on aurait avec plus de calme, et presque nulle corruption possible, tous les avantages de l'élection directe.

Tel est, en France, le système de nos élection. Le cens est la base de notre loi du 5 février 1817, chère au peuple, à bon Titre, puisqu'elle prend dans la classe moyenne, dans la classe éclairée, la plus morale, la plus productive, et la plus intéressée à l'ordre, à la paix, tous nos élémens démocratiques, puisqu'elle offre le précieux avantage de l'élection directe et de l'égalité des votes. Rien n'assure mieux d'excellens choix, et une majorité fixe, nombreuse, immuable, pour le maintien du trône et de la dynastie, contre le parti des priviléges et contre celui de l'arbitraire ministériel.

Il est vrai que ces deux ligues réunies ont enfin, par les voies qui leur sont propres, abattu cette loi salutaire. Puisse-t-elle être promptement relevée!

Si les Siciliens préfèrent des degrés d'élection, il serait au moins très-sage de n'en admettre que deux; mais il vaut mieux établir l'élection directe avec l'égalité de suffrage, et ne faire voter, pour élire les députés, que des citoyens payant un cens fixe et médiocrement élevé, en sorte que la corruption soit prévenue, et qu'il n'y ait pas ou presque pas de collège électoral de province ou de département qui n'ait, pour le moins, environ mille électeurs directs.

Il y aurait, pour chaque département, une seule liste électorale et annuelle; il est peu utile de l'afficher, mais elle serait imprimée, distribuée nécessairement à chaque électeur, et en même tems mise en vente, deux mois avant les élections.

Toutes les réclamations contre la liste, sans aucune exception, seraient portées aux tribunaux ordinaires, et jugées à l'audience. Les jugemens tiendraient lieu d'inscription sur cette liste, et de toute liste supplémentaire. La discussion des qualités d'électeurs et d'éligibles en assemblée électorale n'est que de l'anarchie.

Les électeurs nommeraient leur bureau définitif, sous la présidence provisoire de l'ancien d'âge, et avec les six plus jeunes pour secrétaires et pour scrutateurs. Tout autre mode amène la déception et l'escamotage le plus révoltant.

Il faut observer aussi que les élections vraiment libres seraient impossibles, si elles étaient faites sous l'empire des lois de proscription, de suspicion, de suspension, de violation de la constitution, et surtout sous un régime de censure des journaux, qui ne peut être que l'oppression du grand nombre et le monopole de la licence pour un parti. Sans la liberté des journaux, sauf punition légale des délinquans, il n'y a pas de liberté publique.

Enfin, le mal serait au comble, si des intendans autres semblables osaient nominativement désigner et recommander des candidats; si, d'ailleurs, les opérations électorales étaient impunément influencées par de tels agens, par leurs émissaires, par leurs menaces, par leurs promesses, et par la double intrigue et les fourberies de commissaires ministériels et aristocratiques locaux ou voyageurs. Avec de tels artifices, toute élection ne serait qu'une momerie odieuse, ridicule, funeste. Si vous exigez que les billets soient écrits sur le bureau, la libre élection devient impossible.

Un mot sur les suppléans. Il a été reconnu, en France, que l'usage en est pernicieux, et qu'il favorise trop l'élection des sujets médiocres.

On finit sur les élections, en observant que les Article 109 et 111, 112, 113, 114, 115, 116, 117, 118, 119, 120, 121, 122, 123, 124, 125, 126, 127 et 128, contiennent des dispositions qui ne semblent convenables que dans un règlement ou dans une loi ordinaire, autrement secondaire.




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Chapitre V. De la Sanction et de la Promulgation des Lois

Les Article 131 à 142 de la constitution espagnole, sont encore, par leur nature, vraiment réglementaires. Avec d'autres semblables, on a grossi outre mesure la constitution d'Espagne. Ces détails sont évidemment déplacés dans la loi des lois; mais on n'y voit pas d'autre inconvénient.

L'Article 42 énonce la sanction royale, et puis suivent dix Articles de détail sur le mode de cette sanction, et sur le tems où elle cesse d'être nécessaire; sanction, d'ailleurs, qui est toujours purement nominale, des qu'il faut, pour la retarder, l'avis d'un conseil d'état inamovible, d'un conseil que le roi ne nomme pas seul, d'un conseil que l'unique chambre lui présente; et qui doit être pourtant, s'il était possible, le seul conseil du monarque; en sorte que le roi violerait son serment et ses devoirs de roi constitutionnel, si jamais il osait consulter ses ministres! Voilà ce qui, clans l'Espagne même, malgré le caractère tout héroïque et peut-être unique du peuple espagnol, nécessite une réforme tôt ou tard inévitable.

Sous un gouvernement royal, constitutionnel et représentatif, il est salutaire que le roi ait la sanction des lois; car il faut, pour garantir la sûreté commune et le trône même, et pour assurer, sans secousse, l'unité dans la marche du gouvernement, il faut qu'il y ait un sûr moyeu d'arrêt contre j'es délibérations précipitées. Or, avec une assemblée vraiment législative, et présumée l'organe de l'opinion publique, le roi, fût-il libre de choisir et de changer ses conseils, sera presque toujours trop faible pour opérer l'équilibre et emporter quelquefois la balance. Il faut donc, 1.º: que les auteurs du projet de loi n'aient pas présenté les conseillers du roi, pour apprécier ce projet; 2.º: que ses conseillers ne soient pas inamovibles; 3.º: que l'avis du roi et l'influence de ses conseillers puissent être soutenus par l'opposition de l'une des deux chambres législatives. L'expérience a prouvé assez que l'exercice réel ou fréquent du veto ne convient point aux rois, et ne peut guères que les pousser à une cruelle catastrophe. Mais il faut que la possibilité légale de ce veto existe, ne fût-ce que pour suspendre l'effe des attaques tentées contre le tròne: il faut aussi, pour le roi et pour la nation, que le roi n'en use presque jamais, comme il arrive en France, en Angleterre, et cetera. Il faut enfin qu'une seconde chambre, par son existence, par son opposition tempestive, épargne presque toujours au roi les extrêmes dangers de ce fatal veto, en inspirant à la chambre élective la modération et la circonspection nécessaires.

Avec une seconde chambre, on peut se dispenser de la prévoyance peu décente d'une lutte de trois ans, entre le roi et la chambre élective, sur l'adoption d'une loi résolue dans les chambres.

Au reste, quand elles sont d'accord, ce qui arrive habituellement, le roi n'est pas tenté d'essayer les dangers d'un veto, et surtout d'un veto persévérant trois années.

Mais il peut avoir besoin d'en appeler au peuple, en dissolvant la chambre élective, et ce droit d'appel on ne peut avec prudence le refuser au roi.

Il y a, dans la constitution espagnole, trois Articles sur la promulgation des lois; aucun n'est nécessaire dans une constitution. Le 154 suppose le système combattu dans le Chapitre précédent. Il faudrait le supprimer ou le rectifier. Il serait mieux d, l'omettre tout-à-fait.

L'Article 155, sur la forme de la promulgation, est utile et n'a pas d'inconvénient. Il en est de même de l'Article 156.




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Chapitre VI. De la commission permanente des Cortès

Cette commission est un très-petit remède à des craintes excessives. Tant que l'impôt sera annuel; tant que la nation espagnole ne se méprisera pas elle-même, les convocations ordinaires et extraordinaires seront exactement faites par le pouvoir exécutif; il ne peut s'en passer. L'unité du gouvernement et la conservation de la monarchie, exigent que ce qui est d'exception se fasse au nom du roi. S'il était capable de conspirer, s'il avait dans la nation un parti redoutable, si une contre-révolution était habilement préparée, comme elle peut l'être, par des lois d'exception et de pur arbitraire, ou la commission permanente périrait au premier éclat des complots, ou elle serait entrée elle-même en tout ou en partie, dans l'horrible projet. Cette commission est donc, à vrai dire, tout-à-fait inutile et gratuitement offensante pour le trône, choquante pour les amis de la royauté sans despotisme.




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Chapitre VII. Des Cortès extraordinaires

On n'a rien à dire de spécial sur ce Chapitre, il serait utile d'en conserver la substance, en se conformant aux corrections déjà proposées.






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Titre Quatrième. Du Roi


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Chapitre I. De l'inviolabilité du Roi, et de son Autorité

Les Article 168, 169 et 170 ne donnent lieu à aucune critique.

L'Article 171 serait susceptible de quelques réflexions; mais elles ne semblent pas urgentes.

L'Article 172 concerne les restrictions à l'autorité du roi; il faut retrancher dans le numéro 1 la défense de dissoudre la chambre élective.

Le reste peut, long-tems au moins, être observé sans inconvénient.

De même on ne trouve rien d'essentiel à dire sur l'Article 173, ni sur les autres qu'on va indiquer.




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Chapitre II. De la Succession a la Couronne

Article 174-184.




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Chapitre III. De la Minorité du Roi, et de la Régence

Article 185-201.




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Chapitre IV. De la Famille royale, et de la reconnaissance du Prince, héritier de la Couronne

Article 201-313.




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Chapitre V. Des Biens et Revenus assignés à la Famille royale

Article 213-222. La liste civile sera libéralement fixée; mais pas assez forte pour qu'elle devienne un facile moyen de contre-révolution.




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Chapitre VI. Des Secrétaires d'État, ou du Ministère

Article 222-231.

L'Article 222, trop approprié à l'Espagne, doit l'être incessamment aux Deux-Siciles; la faculté de changer le nombre et la division des départemens ministériels ne serait point donnée aux Cortès, mais au parlement; terme qui comprend le roi, et ne supposerait ici que l'exercice ordinaire du pouvoir législatif, et non celui de réviser l'acte constitutionnel. Mais régulièrement, tout ce qui est constitutionnel a besoin, pour être changé, des formes spéciales établies pour réviser la constitution. Il s'ensuit due ce premier Article n'est qu'un Article de loi ordinaire; il est donc ici peu utile.

Voici comme il semblerait convenable de rédiger cet Article et les suivans, et d'autres qui semblent devoir faire partie de ce Chapitre.

Article 1er. «Le nombre, les attributions et les traitemens de ministres seront détermines par me loi». Il n'y a d'autres ministres d'état que les secrétaires-d'état reconnus par la loi, et chargés par la loi d'un département du ministère.

Article 2. «Pour être ministre d'état, il faut réunir les qualités exigées pour être un des électeurs (directs) de la chambre élective».

Article 3. «Les ministres sont responsables de tous les actes du gouvernement. A cet effet, chacun de ces actes n'est exécutoire qu'autant qu'il est contre signé par le ministre du département auquel il est relatif».

Article 4. «Les ministres sont de plus responsables de tous les actes de leur ministère qui porteraient atteinte à la sûreté de l'état, à la constitution, aux intérêts du trésor public, à la propriété, à la liberté des individus, à la liberté de la presse, à celle des cultes domestiques».

Article 5. «Les ministres peuvent être accusés par la chambre élective, pour raison des actes du gouvernement ou de leur ministère. Les ministres doivent être d'abord mis en prévention par un décret de la chambre élective portant qu'il y a lieu à instruire le procès; et ce décret emporte suspension des prévenus.

Alors, ils sont jugés par la chambre des sénateurs, ou, et cetera, et cetera».

Article 6. «L'organisation des chambres et les formes de la procédure en pareils cas, sont déterminées par la loi». Mais il ne faut pas que cette loi et les autres développemens de la constitution, puissent être impunément ajournés pendant six années.

Article 7. «La chambre des sénateurs, ou, et cetera, exerce pour caractériser le délit de ceux qui doivent être accusés devant elle et pour infliger la peine, un pouvoir discrétionnaire».

Article 8. «Les ministres et leurs agens subordonnés peuvent être poursuivis par les particuliers, à fin de dédommagement du tort qu'ils prétendraient avoir souffert injustement, par les actes du ministère ou de l'administration.

La demande en est portée d'abord à la chambre du sénat, qui décide s'il y a lieu ou non à poursuite.

La poursuite est autorisée, elle a lieu devant le suprême tribunal pour les ministres, et devant les tribunaux ordinaires, s'il s'agit de tout autre administrateur.

Le ministre de la justice est garde du sceau de l'état. Il est chargé d'apposer le sceau de l'état sur les lois et sur les actes du roi, contre-signés des ministres respectifs. Il est chargé de ce qui regarde la promulgation des lois et de ces actes. Il lui est défendu de présider ou de juger dans aucun tribunal».




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Chapitre VII. Du Conseil-d'État

Premier vice de ce corps: le roi ne peut avoir nuls autres conseillers. Autre vice grave: il doit être composé nécessairement de tant d'ecclésiastiques et de tant de chevaliers de l'ordre du roi. Il y aurait trop à dire sur la prétendue nécessité de ces deux qualifications.

Il paraît insoutenable que les ministres ne puissent être membres du conseil-d'état du roi.

Les autres Articles du Chapitre VII n'ont pas d'inconvéniens très-sensibles. Si le tems en signalait de trop frappans, on s'en occuperait dans une révision de l'acte constitutionnel.






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Titre Cinquième. Des Tribunaux

On ne peut donner que des éloges aux Articles 242, 243, 244 et 245.

On proposerait d'amender ainsi l'Article 246:

«Ils ne peuvent jamais suspendre l'exercice de la justice (même sous prétexte d'obscurité de la loi, ou du besoin d'une loi); ils ne peuvent seuls faire aucun réglement sur l'administration de la justice».

On n'a rien à dire sur les Article 247 et 248.

Mais l'Article 249 est bien abusif; comment peut-il être essentiel dans la constitution? Les lois ne connaissent plus, en France, de tribunaux ecclésiastiques, et il est démontré, par l'Évangile et par l'histoire, qu'ils venaient d'abus, et qu'ils ont produit d'énormes abus. On ne propose pas néanmoins de changer cet Article, à moins que les esprits n'y soient généralement disposés; le bien intempestif petit être un grand mal.

Cet Article 249 et le 250, sur le privilège de la juridiction militaire, ne sont point des Articles qui doivent appartenir à une constitution. On observe sur le 250, que les seuls délits relatifs au service militaire peuvent être du ressort des tribunaux militaires, dans l'intérieur du royaume, et que c'est là un Article vraiment constitutionnel.

Rien sur l'Article 251.

L'Article 252 déclare les juges, les magistrats inamovibles. Magistrats est équivoque; cette expression peut être appliquée à ceux qui exercent le ministère public et aux intendans même: il faut au moins être clair. L'influence raisonnable du pouvoir exécutif sur tous ses agens, peut sembler incompatible avec l'inamovibilité de ces officiers, et surtout avec celle des intendans.

Les Articles 254 et 269 doivent être retranchés. La responsabilité indéfinie des juges pour toutes fautes commises dans la procédure civile ou criminelle, est excessivement rigoureuse, et contraire au droit commun des nations. Rien ne peut être parfait, ici-bas, ni réglé parfaitement. L'extrême et l'absolu sont les plus grands ennemis de la justice et de la liberté. Ces Articles, d'ailleurs, ainsi que le 255, appartiendraient a la législation ordinaire. Si l'action populaire, abolie en France, est admise pour tous les crimes, et pour la conservation de tous les grands intérêts; elle doit être admise contre les abus de pouvoir des juges. Mais l'action populaire ainsi prodiguée, de même que l'action contre la commune ou l'arrondissement, pour le délit personnel d'un ou de plusieurs habitons, mènent à des injustices criantes. Ces deux institutions marquent l'enfance de la civilisation. On les restreint, on les abolit à mesure que s'améliorent l'organisation des grands pouvoirs, et celle des tribunaux et des administrations, enfin, les Codes Civil et Criminel. Elles sont admirablement remplacées par la liberté de la presse et des journaux, qui ne doit être susceptible d'aucune suspension.

Rien à dire sur les Articles 255, 256, 257, 258, 278 et 279.

Les Articles 259 et les suivons, jusques et y compris le 270, ont pour objet l'établissement, la compétence et l'organisation d'un tribunal suprême, représenté en France par la cour de cassation, mais qui a des attributions un peu plus étendues. Dans la série de ces Articles, il y a sans doute des dispositions de détail qui conviendraient mieux dans une loi ordinaire ou secondaire, que dans la constitution. Mais l'abréviation, les retranchemens convenables et d'autres réformes, s'il y en a de désirables, semblent devoir être ajournées indéfiniment.

Les Articles 272 et 273 dépendront de l'adoption ou du rejet de l'Article proposé sur les divisions du territoire. Les détails de ces deux Articles, et tout ce qui est énoncé dans les Articles 274, 275, 276 et 277, n'appartiennent qu'à la legislation secondaire, et même en partie aux simples réglemens royaux d'exécution.


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Chapitre II. De l'Administration de la Justice civile

Article 280-286.

Ce Chapitre a deux objets, l'arbitrage conventionnel et la conciliation.

Sur l'arbitrage, les Articles 280 et 281 disent ce qu'on peut dire dans un acte constitutionnel. Il serait sage d'ajouter à l'Article 281, que les parties qui conviennent d'arbitres peuvent se réserver, outre l'appel, le recours au tribunal suprême, chargé de la cassation.

La conciliation est sujette à tant d'exceptions, qu'il est convenable de la laisser dans le domaine de la législation ordinaire, et tout au plus de dire, dans l'acte constitutionnel, que la conciliation des parties, avant la demande judiciaire, sera organisée par la loi ou le Code de Procédure civile.




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Chapitre III. De la Justice criminelle

Article 286-309.

Ce Chapitre en masse est admirable; il contient sur la garantie de la liberté individuelle les principes les plus sages, et qui avaient, en 1814, le mérite de la nouveauté à l'égard de toute ou presque toute l'Europe. Ce Chapitre, sauf l'Article 308, est généralement digne d'être conservé où il fait loi, et d'être adopté partout.

Outre les garanties déjà connues, et presque anéanties en France, par les injustes dispositions de nos Codes Criminels4, par les lois des suspects, par le choix partial et légal des jurés, même des juges, et surtout par l'existence d'une classe innombrable d'arrêteurs administratifs; enfin, par la torture arbitraire du secret pour un tems indéfini, et par la prolongation abusive et cruelle de certaines procédures criminelles. Outre ces garanties devenues chez nous si dérisoires, on trouve ici les plus sages dispositions nouvelles:

On dispense les accusés et les prévenus de ce serment tortionnaire, inefficace, fécond en sacriléges, qui est partout l'un des restes odieux de la procédure de l'inquisition et des ci-devant officialités. Il est défendu par l'Article 291.

Article 296.«Toutes fois que la prévention ou l'accusation n'est pas à raison d'un délit emportant peine corporelle, le prisonnier obtient son élargissement sous caution».Mais qu'est-ce qu'une peine corporelle? L'emprisonnement qui détient le corps est-il une peine spirituelle? Il y a au moins cu intention, dans cet Article 296, plus d'indulgence que dans le Code français de la Procédure criminelle, dont la correction est vainement appelée par tous les voeux.

Article 297. «Les prisons souterraines et malsaines sont prohibées, ainsi que toute vue de molester les incarcérés».

Article 298. «Tout prisonnier, sans nulle exception, doit être visité par le magistrat chargé de visiter les prisons; toute omission à cet égard est réputée crime». Quand cette disposition viendra-t-elle en France alléger nos misères?

Article 299. «Les motifs de l'incarcération doivent être notifiés à l'incarcère, avec le nom du plaignant, dans les vingt quatre heures de la détention».

Article 300. «Lors de l'interrogatoire de l'incarcéré, il est prescrit de lui lire en entier toutes les pièces du procès; toutes les dépositions.

Article 301. De ce moment, toute l'instruction est publique. Cet Article a détruit le principal vice de la procédure universelle ou presque universelle en Europe, et tirée des protocoles de l'inquisition. L'auteur de l'Article 301 a mérité des statues. L'Article est-il observé?

Article 304. «La confiscation des biens est défendue». Cette disposition est journellement éludée en France, et peut l'être ailleurs, à l'égard de la plus grande partie des condamnés, par les amendes excessives, ou purement légales, soit discrétionnaires.

L'Article 308 et dernier de ce Chapitre permet, pour la sûreté de l'état, que la loi ordinaire suspende, pour un tems dont il laisse la durée discrétionnaire, une partie indéterminée aussi des formalités prescrites pour l'arrestation. C'est là donner et retenir; c'est écrire d'une main, c'est effacer de l'autre. Nul ne sait peut-être s'il est indispensable, hors l'état de guerre, de violer par la loi la constitution dans ses garanties les plus importantes, pendant une heure ou seulement un jour; mais les suspendre pour des mois, pour des années, et réitérer encore, c'est vraiment les détruire. On ne manquera jamais de ministres ni d'agens tout prêts à courir les faibles risques de ce que les Anglais appellent un bill d'indemnité. Guerre donc, guerre éternelle, guerre unanime de raisonnement et de sentiment à toutes les suspensions légales de ces garanties pour lesquelles seules existent les lois. Si, à la défense de commettre certains crimes, vous avez la haute imprudence de vouloir joindre exactement les exceptions, vous affaiblissez, vous anéantissez pour ainsi dire la défense, et vous invitez à la violer en prétendant se placer dans l'exception. O qu'il y eut de sagesse à écrire, dans les commandemens divins: Tu ne tueras point, et à ne rien ajouter! Il n'y a que le démon de l'arbitraire, le génie du mal, qui ait pu dire le premier: Tourmentez, tuez en détail par l'incarcération discrétionnaire; vexez, désolez vos suspects et leurs familles; suspendez l'ordre social un an, dix-huit mois, deux ans; et puis réitérez la formule.






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Titre Sixième. Du Gouvernement intérieur des Provinces ou Départemens

Article 309-338.

Ce Titre, comme toits les autres, est grossi, alongé, par des détails de pure législation secondaire, et qu'il faut retrancher de la constitution, comme déplacés, quelquefois comme vicieux en eux-mêmes; telle est l'élection à deux degrés pour les administrateurs locaux. Plais il pose le principe des administrations locales par les élus des administrés, sous la surveillance nécessaire de corps élus par ces mêmes administrés. C'est là ce qu'il y a d'important, et c'est le vrai besoin des rois et des peuples. C'est l'ancien droit de la Gaule, esclave sous les Romains, c'est celui de la France, ou libre par intervalle, ou asservie par ses rois, par ses magistrats, seigneurs et tyrans sous l'anarchie féodale: Si le pouvoir exécutif n'a qu'une tête, c'est alors surtout qu'il a besoin d'agences collectives. Le pouvoir, même absolu, les admet encore jusque dans les gouvernemens barbaresques5.




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Titre Septième. Des contributions

Article 338-356.

Un ne trouve rien à changer aux dispositions de ce Titre, si ce n'est qu'on pourrait l'abréger sans inconvéniens.




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Titre Huitième. De la force militaire de la Nation


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Chapitre I. Des Troupes de service continuel

Article 356-362.

Il est dit, Article 131, numéro 8, qu'il faut une loi pour admettre des troupes étrangères dans le royaume; c'est un supplément essentiel de ce Chapitre, qui, dans tout son contenu, paraît conforme à ce qu'exige la nature du gouvernement représentatif constitutionnel.




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Chapitre II. Des milices nationales

Article 362-365.

Ils rendent avec raison ces milices constitutionnelles, et les établissent dans tous les départemens.

L'Article 363 annonce une ordonnance sur la constitution de l'armée; et quelquefois, dans le cours de cette constitution, l'on nomme réglemens certains détails qu'elle réserve à la législature. Ainsi la langue est mal faite: les volontés unies du roi et du parlement doivent toutes s'appeler lois, afin de les distinguer, par un nom incommunicable, de tous les actes du pouvoir exécutif. Chaque chambre seule doit faire ses réglemens intérieurs; hormis ce dernier cas, les chambres ne doivent faire que des résolutions et des délibérations. Un ancien a dit avec beaucoup de raison: «La propriété des mots est le salut des propriétés et de tous les droits: Salus nominum, salus proprietatum».






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Titre Neuvième. De l'instruction publique

Article 366-372.

Ce Titre maintient la pluralité des universités; il indique la création d'une direction générale d'instruction, qui réglerait l'enseignement public, sous l'inspection du gouvernement: tout cela est bien vague et faiblement conçu. Une direction générale, en pareille matière, est assez dangereuse; le moindre mal est qu'elle se fasse à-peu-près législatrice, et trop fiscale directrice d'impôts sur l'instruction. Ce qui est dit des écoles élémentaires à établir pour toute la population, est très-convenable; elles doivent être soumises aux administrations locales; elles ne doivent pas être les seules à reconnaître ce degré d'autorité. Les écoles spéciales nécessaires sont assez indiquées dans l'Article 367.

La nécessité d'enseigner la constitution dans les écoles est un Article très-malheureusement omis dans notre Charte, dans nos lois, dans nos réglemens. Les cortès de 1812 n'ont pas fait cette inconcevable faute. Voyez l'Article 368.

Tout le Titre serait assez heureusement réduit au seul Article 370, qui attribue à la loi, quant à présent, tous les plans et tous les statuts spéciaux concernant l'instruction publique.

On a évité avec affectation, dans la constitution de 1812, d'exposer et de reconnaître un pesa complétement, et sous une intitulation particulière, les droits des citoyens et des habitans; on y a oublié l'égalité devant la loi et la suppression de la noblesse, ou sa conservation nominale, et encore d'autres Articles qui se trouvent dans la Charte française et dans le projet de la constitution de la chambre des représentans français, du 29 juin 1815.

Ce serait sous un pareil Titre que pourrait se trouver encadré l'Article 371, relatif à la liberté de la presse. Il mérite un reproche, celui de borner cette liberté aux idées politiques.




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Titre Dixième. De l'observation de la Constitution, et des formes spéciales pour y faire des changemens

Le noble édifice est élevé, les dispositions de ce Titre sont la clé de la voûte. Elles existent pareilles ou en substance, dans presque tous les codes constitutionnels; il est indispensablement nécessaire de les ajouter en équivalent, du moins, dans tous ceux où il a été omis par légèreté ou par mauvaise foi. Exceptons néanmoins les Articles 372 et 373; celui-là comme dangereux et superflu, et celui-ci comme tout-à-fait inutile.

L'Article 372 ordonne de s'occuper, chaque année, des infractions à la loi constitutionnelle, dans les premiers jours de la session.

Cette disposition semble inviter aux querelles; elle est peu convenable et surtout peu nécessaire à une assemblée qui peut accuser les ministres, donner permission de les poursuivre, qui, enfin, exerce librement l'initiative des lois.

L'Article 373 autorise tout Espagnol à pétitionner pour taire observer la constitution. Cela est compris, sans nulle équivoque, dans un autre Article ci-dessus, qui est meilleur parce qu'il est plus général, et qu'il doit l'être. Il est plus qu'inutile d'inviter formellement les citoyens à élever des questions de constitution violée.

Rien de plus nécessaire que l'Article 374, qui oblige toute personne, exerçant des fonctions publiques, civiles, militaires ou ecclésiastiques, à jurer d'observer la constitution: il manque à la Charte des Français. Notre célèbre et vertueux députe; M. Dupont, parvint à le faire adopter en 1814 clans la chambre élective, en proposition de la loi. Les amis du privilége et de l'arbitraire ministériel réussirent a écarter cette proposition, ce fut une réelle attaque ouverte, et l'une des plus dangereuses contre nos libertés.

Le reste du Titre établit, pour modifier la constitution de 1814, des formes très-spéciales, très simples, très efficaces, très-conservatrices, non seulement des garanties communes, mais du trône et des chambres. Ces for mes sont détaillées dans les dix derniers Articles de cette constitution. Elles semblent trop compliquées. On peut les réduire aux points suivans:

1. Nulle réforme de la constitution ne peut être établie en définitive que périodiquement et de dix années en dix années;

2. Que par la coopération des trois branches du parlement, par leur volonté réciproque exprimée en deux sessions consécutives;

3. Par majorité de la moitié et d'un sixième des voix en chacune des chambres;

4. Enfin, avec le consentement formel des citoyens qui ont le vote direct pour la nomination des representans électifs.

Mais on pourrait se dispenser de faire approuver expressément les réformes, par les électeurs directs, et se procurer néanmoins leur consentement tacite le plus sincère et le plus réfléchi, établissant que la première approbation de réformes par les trois branches du parlement, emportera de droit la future dissolution des chambres électives pour la session prochaine et son renouvellement intégral.

On n'aperçoit pas d'inconvénient ou réel ou urgent dans l'adoption pure et simple de la méthode établie en 1812, et il pourrait y en avoir à faire dépendre une réforme nécessaire ou très-utile, d'un renouvellement intégral du corps électif qui devrait y coopérer.

On comprend aussi que pour l'introduire dans les constitutions restées à cet égard dans une affligeante imprévoyance, la première proposition de réforme doit être précédée de la proposition et de l'adoption d'une loi qui serait constitutionnelle et votée en observant les formes spéciales que cette même loi prescrirait pour faire à l'avenir des changemens à la constitution.

Il y a des constitutions, comme celle de Norwége, qui déclarent à jamais insusceptibles de réforme, certaines garanties générales, et la royauté, et la succession au trône, et l'hérédité de la chambre héréditaire, et cetera.

Cela ne présente pas d'inconvénient réel. D'abord, les garanties communes, en les supposant bien exprimées, sont véritablement immuables, c'est une reconnaissance du droit naturel; et, quant à la royauté et à l'hérédité dont il s'agit, elles sont de la nature du gouvernement monarchique représentatif. Mais aucune écriture, aucun serment ne préservera jamais des révolutions que pourraient amener les faiblesses des rois et l'injustice des grands, s'ils donnaient l'exemple du parjure, s'ils entreprenaient, les uns ou les autres, un trop manifeste renversement du pacte social, ou s'ils le réduisaient par des artifices trop ordinaires, patens ou occultes, à un simulacre de liberté, vain déguisement du despotisme et de la tyrannie, vaine précaution contre les plus terribles catastrophes.

On finit par quelques réflexions contre l'omnipotence parlementaire, habituelle et quotidienne, employée; sans formes spéciales, soit pour suspendre, soit pour abroger des dispositions constitutionnelles. C'est ainsi qu'on a poussé la France dans un abîme que les Espagnols et les Siciliens doivent éviter soigneusement.

Ici, pour apprécier les faits, pour y puiser une leçon utile, distinguons bien le ministre de l'école qui s'empressait autour de lui.

Le ministre ne voulait que se composer une majorité factice; affidée, permanente pour cinq ou sept ans. Pour cela il fallait détruire le renouvellement par cinquième ordonné par la Charte; ensuite, par des artifices de police et de gouvernement, faire élire en majorité des ministériels qui eussent commencé par absoudre les provocateurs et les agens de leur élection, et puis qui eussent asservi la France aux fantaisies du ministre pour cinq ou sept années. Dans ce qu'on a médité d'innovations irrégulières et funestes, voila tout ce qu'il fallait au ministre, et tout ce qu'il approuvait sans réserve; le reste, il en souffrait la discussion, comme très-favorable à son dessein chéri, comme très propre à le débarrasser de toute plainte fondée sur la Charte écrite.

Son école rêvait le fracas illusoire de l'oligarchie parlementaire anglaise; elle y cherchait peut-être sa propre influence, mais, de bonne foi aussi, la liberté, comme ils l'ont conçue, et la réforme trop périlleusement célèbre des vices de notre Charte, reconnus par le roi et sentis par la nation.

Qu'est-il arrive? L'opinion libérale a repoussé le plan du ministre; la ligue du privilége a chassé le ministre; et le ministère qui a succédé, s'alliant aux hommes du privilége, a préparé le renouvellement intégral, eu se faisant donner le pur arbitraire, en continuant de faire suspendre la Charte, en obtenant qu'elle fût violée dans ses dispositions les plus importantes. Il espérait toujours se procurer en foule des députés complaisans et dévoués, qui laisseraient dormir la loi fondamentale. Mais, au lieu d'une majorité ministérielle, il a reçu de sa haute alliée, la vieille aristocratie, des députés encore une fois introuvables. Il a semé l'injustice, autrement l'inconstitutionnalité; nous recueillons les tempêtes présentes, et nous sommes forcés d'en présager de futures.

Ainsi, l'omnipotence parlementaire, cette implacable ennemie des constitutions positives, est jugée par ses fruits.

Si l'on ne sort pas de cette ornière, il n'y a plus de constitution écrite; il n'y en a plus de réelle, quand elle serait gravée partout sur les pierres et sur les métaux, et sans cesse nominalement invoquée dans tous les actes des chambres et de l'administration ministérielle.

L'omnipotence journalière d'un roi, et même celle d'un roi et de deux chambres, ne peuvent être que l'entière absence de constitution véritable. C'est le pur et universel arbitraire; c'est le despotisme ou la tyrannie légale d'un seul ou de plusieurs. Lequel vaut mieux? lequel est pire? Demandez-le aux Danois et aux Anglais de bonne foi.

Il en faut revenir à ceci, quoi qu'en ait dit M. Guizot, dans son livre élégant, plus utile qu'exact, plus adroit qu'ingénu, sur le gouvernement français. Oui, c'est, tout à-la-fois, par le Titre et par les paroles, et par l' esprit de la constitution écrite, c'est surtout par son observation franche, et par le fidèle accomplissement de ses promesses, par le prompt développement de ses conséquences, que se fait reconnaître le gouvernement constitutionnel. S' il n'est que déceptif et nominal, un ministre ou un ministère, soutenu par les faux brillans d'une jeune école ambitieuse, allié aux hommes du privilège, possédé même par cette ligue redoutable, pourra quelque tems, à un certain degré, maintenir les intérêts nouveaux, contenir les intérêts anciens; mais si le ministre est armé de la corrosive toute-puissance parlementaire absolue, certes, il finira par se renverser lui-même, ou par tout renverser. Ce n'est qu'avec des formes lentes et spéciales, sagement préservatrices, qu'on peut toucher un peu fort à l'établissement constitutionnel, autrement on ouvre la porte à la contre-révolution, toujours en embûche. Il est triste de ne s'en aviser qu 'après avoir, de tous ses efforts, préparé l'ouverture tout au grand de cette porte fatale.





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