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Du drame philosophique à la zarzuela: un avatar de Segismundo

Mireille Coulon


Université de Pau

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Calderón fut l'auteur le plus souvent joué pendant une bonne partie du XVIIIe siècle. L'analyse de la zarzuela Los portentosos efectos de la naturaleza (1766) montre que Ramón de la Cruz, en adaptant l'oeuvre de Goldoni I portentosi effetti della madre natura, elle-même inspirée d'une refonte italienne de La vida es sueño de Calderón, est retourné à la source du texte de la comedia, facilitant ainsi, pour le public madrilène de l'époque, l'identification du modèle de la parodie, qui fait du héros de la zarzuela une réplique burlesque de Segismundo.

Calderón fue el autor más representado durante gran parte del siglo XVIII. El análisis de la zarzuela Los portentosos efectos de la naturaleza (1766) evidencia que Ramón de la Cruz, al adaptar la obra de Goldoni I portentosi effetti della madre natura, inspirada en una refundición italiana de La vida es sueño de Calderón, volvió al texto de la comedia, facilitando la identificación por el público madrileño de la época de la fuente de la parodia que hace del protagonista de la zarzuela una réplica burlesca de Segismundo.

Calderón was the playwright whose plays were staged most often for most of the XVIIIth century. The analysis of the zarzuela Los portentosos efectos de la naturaleza (1766) shows how Ramón de la Cruz, by adapting the work of Goldoni I portentosi effetti della madre natura, which itself was inspired by an kalian remake of La vida es sueño, returned to the source of the text of the comedia and in this way he made it easier for the audiences in Madrid at that time to identify the model of the parody, which turns the hero of the zarzuela into a burlesque replica of Segismundo.

Mots-clés: Zarzuela - XVIIIe siècle - Ramón de la Cruz - Goldoni - Calderón.





La création de la zarzuela de Ramón de la Cruz Los portentosos efectos de la naturaleza, le 12 juin 1766 au théâtre de la Cruz de Madrid, s'inscrit dans un contexte un peu particulier. C'était la deuxième année en effet que le public madrilène était privé de la longue série de représentations des autos sacramentales que l'on donnait traditionnellement à l'occasion de la célébration de la Fête-Dieu. Jusqu'à l'interdiction en 1765 de ce genre de spectacle1, les autos (un pour chacune des deux troupes), après quelques jours de relâche pendant l'octave du Corpus (du lundi au jeudi inclus, dans la grande majorité des cas), tenaient l'affiche jusqu'à la saison d'été, au cours de laquelle les théâtres ne fonctionnaient que les dimanches et les jours fériés. Le public était particulièrement friand de ces spectacles dont le mystère de l'Eucharistie était loin de constituer le principal attrait: les effets de mise en scène que l'on déployait alors, la nouveauté et la variété des divertissements de toute nature qui agrémentaient le spectacle, garantissaient le succès de ces longues séries de représentations qui, malgré les frais engagés, étaient pour les comédiens une source de revenus sur laquelle ils savaient pouvoir compter. En 1764 par exemple, soit la dernière année de vie des autos sacramentales, les 21 représentations de El laberinto del mundo de Calderón rapportèrent à la compagnie de María Ladvenant 73680 réaux, avec une recette moyenne de plus de 56% de la somme que pouvaient atteindre les entrées lorsque le théâtre était plein. Le succès fut plus modeste pour la troupe de María Hidalgo qui donnait dans l'autre théâtre La lepra de Constantino, également de Calderón2: 65888 réaux pour 24 séances, avec une recette moyenne de 42%3. Il faut dire qu'il était difficile de rivaliser avec la divine Ladvenant.

En 1765, à la place des autos désormais interdits de séjour, les comédiens proposèrent au public des pièces qui au cours des années précédentes avaient eu l'heur de lui plaire. Nicolás de la Calle, successeur de María Ladvenant à la direction de la troupe, mit à l'affiche El sacrificio de Ifigenia de Cañizares, régulièrement reprise depuis sa création en 1721, notamment en janvier 1764 au Príncipe; Píramo y Tisbe, d'Antonio Pablo Fernández, programmée par María Hidalgo, avait beaucoup rapporté en juin 1762, un peu moins lors d'une reprise en décembre de la même année, mais les deux sainetes nouveaux de Ramón de la Cruz4 pouvaient suffire à susciter un regain d'intérêt. La première pièce, en dépit d'une pointe de plus de 76% le deuxième jour, ne retint pas longtemps le public, et la recette tomba à moins de 23% le huitième et dernier jour; Calle eut beau donner alors Hipermenestra, succès plus qu'estimable de la saison précédente (9 jours avec une recette moyenne d'un peu plus de 51%, entre 72% et 33%), rien n'y fit: les spectateurs boudèrent la pièce et trois jours après, Y autor dut se contenter de comedias sencillas, oeuvres du répertoire à petit budget et durée limitée, qui rapportaient fort peu. La même mésaventure faillit arriver à María Hidalgo qui vit elle aussi diminuer l'affluence -quoique de façon moins spectaculaire, puisque c'est seulement les trois derniers jours que les recettes descendirent au-dessous de 30%- lors des 13 représentations de Píramo y Tisbe; elle mit alors au programme une zarzuela qui avait déplacé les foules l'année précédente, Los cazadores5, qui put se maintenir 11 jours, produisant en moyenne un peu plus de 49% de la recette maximale.

En 1766, la troupe de Nicolás de la Calle tira la leçon de son expérience malheureuse de 1765 en montant lui aussi une zarzuela, El peregrino en su patria de Ramón de la Cruz, assortie de deux sainetes nouveaux du même auteur6. Le résultat cependant ne fut pas à la hauteur de ses espérances, car si les recettes furent bonnes les cinq premiers jours (moyenne de près de 62% ), elles chutèrent dès que María Hidalgo commença à représenter Los portentosos efectos de la naturaleza: un peu moins de 27% pour les quatre jours restants (23% le dernier jour, qui pourtant était un dimanche). Après une représentation de la Hypsípile, une autre de Necepsis, deux succès des saisons précédentes, Calle, comme en 1765, dut puiser dans le répertoire, avec les conséquences financières évoquées plus haut.

Los portentosos efectos de la naturaleza, qui tint l'affiche 14 jours, fut d'un bon rapport pour María Hidalgo: une recette moyenne de 55% (plus de 60,5% les onze premiers jours; plus de 34,5% les trois derniers) compensait largement, pour cette troupe, la disparition de l'auto. Traduction par Ramón de la Cruz de I portentosi effetti della Madre Natura de Goldoni7, la pièce, indéniablement, reçut l'aval du public. Elle fut du reste reprise, contrairement à El peregrino en su patria qui disparut des programmes, en 1768, 1770 et 1777, avec de moins en moins de bonheur il est vrai.

Nous ignorons les raisons de l'échec de El peregrino en su patria. Nicolás de la Calle avait pourtant mis les atouts de son côté en programmant cette zarzuela, qui était aussi une adaptation par Ramón de la Cruz d'une pièce de Goldoni (Buovo d'Antonà). Le succès que lui avaient valu Las pescadoras en octobre 1765 et El filósofo aldeano en janvier 1766, zarzuelas tirées, comme El peregrino en su patria, d'oeuvres du dramaturge italien8, avait confirmé que la formule inaugurée en 1764 par María Hidalgo avec Los cazadores avait séduit le public. Los cazadores (En la selva sabe amor tender sus redes mejor), traduction de Gl'uccellatori de Goldoni, était pour Madrid une nouveauté. Il est significatif à cet égard que les censeurs chargés de donner leur avis sur la pièce aient hésité sur le terme à employer pour désigner cette zarzuela atypique: baptisée pourtant ainsi dans le titre du «guión de música», «comedia» pour Joseph Armendáriz, elle était pour Antonio Pablo Fernández une «especie de comedia, dividida en dos actos»9.

En fait, l'opéra bouffe italien avait été adopté par les Madrilènes, et Ramón de la Cruz, d'abord par le biais de ces traductions, puis dans des oeuvres originales, allait l'acclimater à la scène espagnole, le «naturaliser» en quelque sorte10.

L'intérêt de Los portentosos efectos de la naturaleza ne réside pas seulement dans le fait que la pièce se situe à un tournant de l'évolution des genres musicaux en Espagne. Cette zarzuela est aussi un curieux exemple de «voyage aller retour» de Calderón en Italie, selon l'expression employée par Nathalie Bittoun-Debruyne à propos de Marivaux11. Cotarelo avait déjà remarqué la parenté qui unit Los portentosos efectos de la naturaleza et La vida es sueño de Calderón: «su argumento no tiene nada de original, pues parece tomado de La vida es sueño», écrivait prudemment D. Emilio, qui par ailleurs ne faisait aucune allusion à l'auteur du livret de l'opéra dont était tirée la zarzuela12.

Le «Dramma Giocoso per Musica»13 I portentosi effetti della madre natura fut créé le 11 novembre 1752 au théâtre San Samuele de Venise devant un public aristocratique; la dédicataire du livret de Goldoni -Catterina Loredan Mocenigo- appartenait elle-même à la famille du doge. Cette circonstance, dûment soulignée par Giuseppe Ortolani, auteur de l'édition de Tutte le opere di Carlo Goldoni14, ne manque pas d'intérêt, ainsi qu'on le verra par la suite.

Selon Giuseppe Ortolani, le personnage central de I portentosi effetti della madre natura ne pouvait pas ne pas rappeler celui de La vida es sueño de Calderón15, connue en Italie, comme d'autres comedias du Siècle d'Or espagnol, grâce aux versions revues et corrigées au siècle précédent -soit peu de temps après leur arrivée en Italie dans le répertoire des troupes espagnoles- par des auteurs soumis à l'influence de la Commedia dell' Arte, comme Cicognini (1606-1651?), à qui l'on doit Il convitato di piedra, l'une des sources présumées du Dom Juan de Molière16. Goldoni avait du reste écrit un Don Giovanni Tenorio (1736)17, héritier, à n'en pas douter, des diverses transformations qu'avait subies l'oeuvre de Tirso, et il connaissait très vraisemblablement la version italienne de La vida es sueño -attribuée à tort à Cicognini, selon G. Ortolani18-, bien qu'il n'en soit pas fait mention dans la dédicace de I portentosi effetti della madre natura.

Le «dramma giocoso» de Goldoni est une pièce en vers, en trois actes. L'action se situe à Majorque. Le rideau se lève sur un décor rustique de plaine vallonnée, avec, d'un côté de la scène, une vieille tour. Il fait sombre car le temps est à l'orage, suggéré par le tonnerre et les éclairs. Bergers et bergères s'apprêtent à mettre leurs bêtes à l'abri. L'un d'eux, Poponcino, songe à se réfugier dans la tour, mais Calimone, vieux berger chargé d'en être le gardien, l'en empêche. Dans la tour, en effet, est enfermé un prisonnier qui ne connaît d'autre lumière que celle que laisse passer un soupirail; seul Calimone a le droit d'y pénétrer afin d'assurer la subsistance du malheureux qui, victime innocente d'un tyran, n'a jamais eu d'autre contact humain. Là-dessus, la foudre abat une partie de la tour, libérant du même coup Celidoro, le prince légitime; Calimone, au fond très heureux de voir le ciel réparer une injustice, prend néanmoins le parti d'aller avertir son maître afin de ne pas être accusé d'avoir lui-même libéré le prisonnier; il prévoit en effet qu'une fois libre et au courant de la vérité, Celidoro voudra récupérer ce qui lui appartient de droit.

Le tyran, c'est Ruggiero, qui a usurpé le pouvoir et n'a fait en cela qu'obéir à son père. C'est du moins ce qu'il affirme à sa femme la princesse Lisaura, laquelle lui a fait part de ses remords19 et lui reproche en outre d'avoir hérité autre chose de son géniteur, son goût immodéré pour les femmes. Ruggiero ne tarde pas à en donner la preuve en s'intéressant de près, sans égard pour la jalousie de Lisaura, à la jeune bergère Ruspolina, à la recherche d'une brebis égarée après l'orage. Sa femme partie, il la fait passer pour sa soeur aux yeux de Ruspolina, qui se dérobe à ses avances mais a le tort d'accepter une bague que Ruggiero lui offre pour compenser la perte de sa brebis; ce que voyant, le séducteur est convaincu que la bergère ne résistera pas longtemps et la fait suivre par ses gens.

Celidoro, cependant, savoure sa liberté, à la fois émerveillé par la beauté du monde qu'il découvre et tiraillé par deux sentiments contradictoires -la rancoeur et la reconnaissance du ventre- qu'il éprouve à l'égard du vieillard qu'il croit responsable de ses malheurs; il exprime sa joie et son désarroi dans un monologue qui traduit aussi sa violence naturelle:


Dove son? dove vado? ove m'aggiro?
Sono libero al fine, alfin respiro.
Questo ciel, questa terra e questo verde
Non l'ho veduto mai;
Quel che mondo si chiama, è bello assai.
Giove m'ha fatto grazia
Di rimpere la torre e fracassarla.
Quel vecchio disgraziato
Che me tenea serrato, se lo trovo
Lo voglio stritolare...
Ma è quello che mi porta da mangiare [...]20.



Alors qu'il ne sait que faire ni où aller, il voit arriver la bergère Cetronella. Subjugué, ne sachant pas ce qu'est une femme, il la prend d'abord pour une divinité et s'agenouille devant elle, puis veut à tout prix l'épouser, menaçant Poponcino, qui prétend s'y opposer, de lui fendre la tête: encore une réaction de violence instinctive qui se manifestera de nouveau un peu plus tard à l'égard de Ruggiero qui, l'ayant trouvé endormi, s'apprêtait à le tuer. Celidoro échappe à la mort grâce à l'intervention de Dorina -dont on apprendra à l'acte II qu'elle est sa soeur- qu'il veut aussitôt épouser, comme Cetronella, comme Ruspolina un peu plus loin. C'est du reste la perspective de ne plus voir de visages féminins qui l'a retenu lorsque, déçu par le monde après la tentative de Ruggiero, il songeait à retourner dans la tour.

Ainsi, dès le premier acte, on voit apparaître clairement les correspondances entre la comedia de Calderón et la pièce de Goldoni: la tour, les circonstances de la détention de Celidoro, prince légitime écarté du pouvoir et totalement coupé du commerce des hommes, son étonnement en découvrant le monde, ses instincts violents, font du personnage une réplique de Segismundo. Une réplique burlesque cependant, car certains traits sont caricaturaux, notamment cette attirance pour les femmes qui le pousse à les vouloir toutes à la fois, et dont l'origine, à n'en pas douter, est l'émotion ressentie -et exprimée de la même façon hyperbolique- par Segismundo face à Estrella, puis lors de sa deuxième rencontre avec Rosaura21. C'est ainsi que l'acte s'achève sur une leçon d'amour que Ruspolina et Cetronella donnent à Celidoro.

À l'acte II, Ruggiero apparaît de plus en plus comme le méchant de l'histoire: fermement décidé à ne faire preuve d'aucune pitié, il fait emprisonner Dorina parce qu'elle a sauvé la vie de son ennemi, qu'il compte bien faire passer de vie à trépas, et s'en prend à Calimone qui non seulement a voulu s'interposer entre lui et Dorina, mais a en outre l'outrecuidance de lui faire des reproches. Et Ruggiero, dans des apartés qui mettent en évidence sa duplicité, projette de le punir, alors qu'à haute voix il lui promet une récompense pour les services qu'il a rendus.

Dès lors, la désaffection de Calimone ne peut plus être considérée comme une trahison:


Ha perduto Ruggiero ogni ritegno.
Il suo bárbaro sdegno ormai eccede,
E non mérita più né amor né feda22.



Quant au peuple, s'il vient chercher Celidoro pour renverser l'usurpateur, c'est parce que Ruggiero hait ses sujets et veut toutes les femmes pour lui, argument décisif aux yeux de Celidoro, d'abord étonné et méfiant:

CELIDORO
      Ma qual ragione
a tradir vi dispone
Quel che finor per principe adoraste?
Non vorrei che fingeste o m'ingannaste.
POPONCINO
Il principe Ruggiero
Odia i subditi sui,
E le donne vorria tutte per lui23.


Celidoro par ailleurs est vaillant et mènera ses hommes à la victoire.

L'acte III confirmera son triomphe, d'autant plus éclatant qu'il saura se montrer magnanime envers Ruggiero, bien que celui-ci ait encore tenté de le tuer en l'attirant dans un traquenard. Cette fois, ce n'est pas à Dorina qu'il doit la vie, mais à Cetronella, à qui il promet le mariage.

À partir du moment où il avait appris que Dorina était sa soeur, son coeur ne se partageait plus qu'entre Ruspolina et Cetronella, et il leur avait parlé d'en faire des princesses, plaçant la beauté au-dessus de la noblesse:


Non euro nobiltà; sol la bellezza
È quella che mi piace24.



À la fin de la pièce, et contre l'avis de Calimone qui pense que le prince ne peut pas épouser une bergère, son choix se porte sur Cetronella, auprès de laquelle il s'était engagé parce qu'elle lui avait sauvé la vie. Peu lui importe la différence de condition:


Eh, la Natura insegna
Che tutti siamo fatti d'una pasta.
Cetronella mi piace, e tanto basta25.



Giuseppe Ortolani souligne la hardiesse de ces propos égalitaires que Goldoni place dans la bouche de son héros au moment du dénouement, devant un public aristocratique qui avait déjà pu se demander s'il fallait prendre les vers précédemment cités sur le mode sérieux ou plaisant:

Dei suoi ardori per due pastorelle a un tempo, Ruspolina e Cetronella, si diverte il commediografo a scherzare, facendogli pronunciare delle affermazioni abbastanza audaci, dieci anni prima de Rousseau, in faccia a tutte le Eccellenze dell'aristocrazia di San Marco: «Non euro nobiltà, sol la belleza -E quella che mi piace», esclama il principe Celidoro. E in fatti sposa un'umile pastorella [...] Il Goldoni continua la lezione, incominciata due anni prima nella Pamela sui miracoli della «gran Madre Natura», contro i preguidizi sociali26.



On est très loin, bien évidemment, du retour à l'harmonie selon un ordre établi auquel aboutit la comedia de Calderón. En noircissant à loisir le personnage de l'usurpateur, qui par ailleurs n'est pas le père de Celidoro, Goldoni justifie sans équivoque tout acte destiné à détrôner le tyran.

Version roturière de Clotaldo, Calimone n'est plus partagé entre son honneur de vassal et son amour paternel, ce qui ne l'empêche pas cependant d'être un sage conseiller pour Celidoro, et d'être prêt à donner sa vie pour délivrer Dorina, qu'il a élevée comme sa propre fille. Les bergères n'ont rien de commun avec Rosaura ou avec Estrella, dont on retrouve certains traits, en fait, chez la princesse Lisaura. Poponcino en revanche est proche de Clarín, dont il a hérité la couardise et la roublardise, sauf qu'il devient sous la plume de Goldoni le rival de Celidoro dans le chassé-croisé amoureux auquel se livrent les personnages, à l'issue duquel il devra se contenter de celle que lui laisse le prince.

Ces différences cependant ne suffisent pas à masquer le lien qui unit I portentosi effetti della madre natura et La vida es sueño. Le fil conducteur de l'intrigue, ainsi que les traits de caractère et la trajectoire de Celidoro, sont à peu de chose près identiques. Et il ne fait aucun doute que la ressemblance n'avait pas échappé à Ramón de la Cruz, ainsi que le montre l'analyse de l'adaptation espagnole de la pièce de Goldoni.

Une question préalable se pose: le public madrilène de l'époque était-il à même de faire le rapprochement entre Los portentosos efectos de la naturaleza et La vida es sueño.

Si l'on considère la liste des oeuvres mises au programme par les troupes de la Cruz et du Príncipe, Calderón fut incontestablement l'auteur le plus joué au cours de la période qui va du début du siècle à la date de création de la zarzuela. On a évoqué plus haut le cas des autos sacramentales et des représentations de début de saison; tout au long de l'année également, les comédiens puisaient régulièrement dans son oeuvre pour remplir leur contrat, et l'on voit ainsi revenir constamment certains titres comme Afectos de odio y amor, Las armas de la hermosura ou Para vencer amor querer vencerle, pour ne citer que les plus inusables: 91 reprises pour la première comedia de 1708 à 1798, 88 pour la deuxième et 80 pour la troisième, de 1708 à 1808. A côté de ces performances -inversement proportionnelles, pourrait-on dire, à la courbe d'affluence du public27- La vida es sueño fait piètre figure, avec 47 reprises entre 1709 et 1795, d'autant qu'elle compte parmi les pièces de Calderón qui servaient le plus souvent de bouche-trous. Ainsi, sur les 33 reprises relevées jusqu'à la date de la création de Los portentosos efectos de la naturaleza, 15 ne durent qu'un jour, 16 tiennent deux jours, et 2 seulement atteignent trois jours. Force est de constater que l'impérissable chef d'oeuvre de Calderón ne faisait pas les délices du public madrilène de l'époque.

Il n'en reste pas moins que le nom de Calderón conservait son prestige et sa popularité, comme suffirait à l'attester ce jeu de mots que l'on trouve dans un fin de fiesta de 1763 écrit pour la série de représentations de Los alimentos del hombre, et qui évoque en outre le peu de rentabilité du théâtre du Siècle d'Or:


      Amigos,
como hagan venir pesetas,
mejor que los calderones
son los ingenios calderas,
que ya ni aun aquellos oy
pasan por buena moneda28.



D'autre part, La vida es sueño faisait partie du répertoire de la troupe qui montait la zarzuela de Cruz, à savoir celle de María Hidalgo, qui avait joué la comedia au même théâtre guère plus d'un mois auparavant (les 30 avril et 1.er mai 1766); si bien que les spectateurs -relativement nombreux pour une fois29- qui avaient assisté à ces deux séances pouvaient avoir encore tout frais dans la mémoire un texte que, de surcroît, la plupart n'avaient pas découvert à cette occasion.

On peut donc légitimement estimer que les conditions étaient réunies pour que le public, du moins en grande partie, fût sensible à l'analogie entre les deux pièces. Ramón de la Cruz allait lui rendre la chose plus aisée.

La zarzuela, en deux actes selon l'usage, suit de près le texte de Goldoni dans les treize premières scènes du premier acte qui coïncide, grosso modo, avec celui de I portentosi effetti, malgré un certain nombre de modifications; le deuxième acte, qui regroupe les actes II et III du modèle italien, est beaucoup moins fidèle à l'original30.

La liste des personnages fait apparaître déjà des différences non négligeables:

Iportentosi effetti Los portentosos efectos
Ruggiero, principe di Maiorica, usurpatore Lisarda, esposa de
Lisaura, principessa sua sposa Rugero, Príncipe usurpador
Celidoro, vero principe di Maiorica, Petronila, Pastora rica hermana de
     sconosciuto      Benito, Pastor mayoral
Cetronella, pastorella spiritosa e comoda Inés, Pastora
Ruspolina, altra simile pastorella Cesarino, Verdadero Príncipe desconocido
Poponcino, pastore Pasqual, Pastor
Dorina, sorella di Celidoro, creduta figlia di zagales
     Calimone cazadores
Calimone, vecchio pastore, servo di Ruggiero guardias
     e custode della Torre
Cacciatori
Soldati

Cesarino n'a plus de soeur, puisque le personnage de Dorina disparaît, et il n'est donc plus tenté -involontairement il est vrai- par l'inceste; Cetronella de son côté, sous l'identité de Petronila, voit sa condition s'améliorer et devient la soeur de Calimone-Benito.

Comme on l'a signalé plus haut, une bonne partie du premier acte de la zarzuela, dont l'action se situe dans «una Isla del Mediterráneo», reproduit fidèlement l'original. Il en va ainsi du décor et de l'atmosphère détaillés dans la première indication scénique:

Campaña que comprende colinas; y llanura con ruinas de antigua población, de que sólo subsiste una torre a un lado; la obscuridad denotará el mal tiempo, ínterin a los avisos, los truenos y relámpagos [y rayos31] le confirman.



En revanche, le monologue de Cesarino qui vient d'être libéré de sa prison par les intempéries contient des éléments nouveaux:


¿Dónde estoy? ¿Dónde voy? ¿Qué es lo que miro?
Sin duda libre estoy, pues ya respiro
este cielo, esta tierra, y este prado
¡cuánto mejor es vivo que pintado!
Sin duda esta gran máquina es aquello
que el mundo llaman. Ciertamente es bello.
¡Oh tiranos maestros de mi vida!
¿Si es verdad lo que toco?
¿Si estoy despierto? ¿Si me volví loco?
Mas no, ni loco estoy, ni durmiendo
pues mi ignorancia estoy reconociendo
y así, apele al destino
buscando población, gente, o camino32.



Si les six premiers vers sont bien la traduction du début du monologue de Celidoro, et que le v. 7 pourrait être un écho des termes dans lesquels il évoque son geôlier, le reste du texte de Cruz -en italique- est à n'en pas douter une réminiscence très précise du monologue de Segismundo à l'acte II de La vida es sueño, lorsqu'il se réveille après avoir été transporté de la tour dans le palais. La série d'interrogations que formule Segismundo, le doute qui le trouble devant ce que lui transmettent ses sens («Con poco espanto lo admiro / con mucha duda lo creo»), puis la certitude que ce qu'il voit est bien réel («Decir que sueño es engaño, / bien sé que despierto estoy»)33, sont condensés dans le monologue de Cesarino.

Il s'agit là, à l'évidence, d'un retour aux sources. Estimant sans doute qu'il fallait fournir plus de points de repères à son public, Cruz a réintroduit dans sa pièce des motifs que la version italienne n'avait pas retenus, et qui pourtant étaient indispensables à l'identification de Cesarino à Segismundo. On en trouve un autre exemple, plus probant encore, dans la scène 15. Cesarino, resté seul après avoir été informé par Benito du secret de sa naissance, contemple la nature qui l'environne, décrit «los admirables / y portentosos efectos / de la gran naturaleza», et évoque la beauté de Petronila qui a produit sur lui une très forte impression:


      O ¡cuanto
en tal variedad encuentro
que admirar! Aunque no es fácil
que haya cumplido contento,
faltando aquella hermosura
peregrina, en quien advierto
más ventajas, más hechizos
y gustos que en cuanto veo.
¡Ay! beldad ingrata, ya
que de haberte visto muero
deja que muera a tu vista,
ten piedad de mí. Mas cielos
¡si fue sueño mi ventura!
Yo le sacrifico al sueño
mis potencias y sentidos
por ver si logro durmiendo
representada la imagen
que no consigo despierto.      [duérmese]34



Le jeu verbal des vers «Ay beldad ingrata, ya / que de haberte visto muero / deja que muera a tu vista», calqué sur ceux qu'adresse Segismundo à Rosaura lors de leur première rencontre («viendo que el ver me da muerte / estoy muriendo por ver»35) ne semblait probablement pas assez concluant. Les derniers vers, qui ont été rajoutés dans le texte définitif, écrit sur un papier collé par-dessus la version primitive, ne laissaient plus de place au doute, avec cette allusion directe au titre et au motif central de La vida es sueño, totalement absent dans la pièce de Goldoni. Ils en offraient en outre une interprétation parodique, puisque dans la zarzuela, c'est volontairement que Cesarino s'abandonne au sommeil, et au rêve.

À son réveil, il découvre Inés qui l'observait. Les deux jeunes gens se plaisent, et l'expression de leurs sentiments ne laisse pas de rappeler le texte de Calderón:

INÉS
¡Qué agradable es, y qué fiero!
CESARINO
Tú me vences y tú me aplacas36.


L'acte s'achèvera, comme dans I portento si effetti, sur une séance d'éducation sentimentale dispensée par les deux bergères.

La scène 1 de l'acte II s'ouvre sur un monologue de Benito qui légitime par avance la suite des événements: Rugero a dépassé la mesure et Cesarino bénéficie du soutien divin. Ce monologue correspond par son esprit -mais non point par son extension- à celui de Calimone, à la scène 5 de l'acte II de I portentosi effetti.

Cruz a donc éliminé tout le début de l'acte II de Goldoni, c'est-à-dire, logiquement, ce qui concernait l'intervention de Dorina (II, 1, 2 et 3), mais aussi la scène qui mettait aux prises Calimone et Ruggiero, de sorte que Benito n'adresse plus directement de reproches à son maître, lequel est, du fait de cette suppression, beaucoup moins ignoble que son homologue italien.

La scène 1 de l'acte II de la zarzuela, en revanche, accorde beaucoup plus d'importance au dialogue entre Cesarino et Benito, lorsque celui-ci dévoile au jeune prince l'identité de son adversaire. Les révélations de Benito, auxquelles Cesarino, à la recherche des jeunes beautés qu'il a rencontrées au premier acte, n'est tout d'abord pas pressé de prêter attention, provoquent bientôt sa colère:

CESARINO
[...]
Sigúeme donde se halla
Rugero; verás qué presto
pongo su vida a mis plantas.
BENITO
¿Dónde vas?
CESARINO
A degollarle;
búscame luego una espada,
o no la busques, que yo
haré de mis brazos armas.
BENITO
Detente; ¿no consideras
que defendido en su casa
está Rugero de todos
sus criados y su guardia?
CESARINO
Y eso ¿qué importa? Yo haré
que todos muertos se caigan
al verme.


En mêlant habilement des termes appartenant à des registres opposés, et notamment en associant les expressions inspirées du texte de Calderón («pongo su vida a mis plantas», «haré de mis brazos armas»37) et le langage rappelant les rodomontades des majos («Yo haré / que todos muertos se caigan / al verme») qu'il mettait en scène dans ses sainetes38, Cruz démontre sa maîtrise de la parodie qui non seulement fait de Cesarino un personnage à la fois sympathique et risible, mais rejaillit sur le modèle, en rabaissant Segismundo au rang d'un majo.

Craignant de ne pas parvenir à calmer la fureur de Cesarino (la «rabia» qui caractérisait Segismundo), Benito a recours à un argument analogue à celui qui avait fait renoncer Celidoro à retourner dans la tour39; analogue, mais présenté sous un angle différent, plus conforme à l'original caldéronien:


Ve a vengarte; pero advierte
que si corriere la fama
de que eres cruel y fiero,
huirán atemorizadas
de ti todas las mujeres.



D'autre part, la menace qui avait pour effet de dissuader Celidoro est précisément ce qui incite Cesarino à vouloir regagner sa prison:


      Vamos
otra vez a la obstinada
prisión, porque allí me acuerdo
que estando preso, gozaban
de libertad mis potencias;
y estando libres, contrastan
tantos sustos a mi vida,
que está en prisión más tirana,
cuanto va de vivir preso
el cuerpo, a vivirlo el alma.



Ainsi, sous la plume de Cruz qui modifie le signe des données de la comedia, ce qui pour Segismundo était un châtiment devient une bénédiction pour Cesarino qui, une fois seul, tire la «leçon» de son expérience:


¡Cielos, es esto a lo que
los hombres libertad llaman!
¿Es esto vivir? ¡O fácil
equivocación humana!



C'est après ce court monologue du début de la scène 2 que Pascual vient chercher Cesarino pour renverser Rugero:


      yo vengo
a ponerme a vuestras plantas
el primero, y a ofrecerle
este brazo y esta espada.



La teneur et le registre du langage dont il use sont tout à fait incongrus dans la bouche de ce personnage de condition très modeste -peureux de surcroît- qui redevient lui-même lorsqu'il expose les raisons de son geste, et du revirement de la population. Ces raisons sont les mêmes que celles que donnait Poponcino, mais Pascual insiste davantage sur les conséquences des excès commis par le tyran:


Como Rugero aborrece
a todos, todos le pagan
en igual moneda; y luego
tiene la maldita maña
de enamorar las mujeres;
conque el pobre que se casa,
se casa con miedo, y vive
medroso, si no la guarda.



Comme dans la pièce de Goldoni -et dans la comedia de Calderón- Cesarino triomphera de son adversaire et -La vida es sueño oblige- de son destin: «Viva Cesarino / que de su destino / ya logra triunfar», s'exclame Pascual encore rempli de crainte, en réponse aux acclamations entonnées par le choeur («Viva Cesarino / que es por su destino / quien debe triunfar»). Pascual n'a pas pris part à la bataille. Comme Clarín, dont Cruz a réintroduit le monologue, il était resté en retrait, pour observer sans courir de risques inutiles:


Ya va llegando al castillo
la tropa; quiero dejarla
entrar, y quedarme aquí
a observar cómo lo pasan
otros, y cómo reparten
los enemigos las balas,
que nadie debe exponerse
a meter la cucharada
en materias que no entiende40.



Le dénouement approche. On fera l'économie ici des péripéties de l'intrigue amoureuse qui, comme chez Goldoni, fait de Pascual le rival de Cesarino, sauf que dans la zarzuela le berger, tout en courtisant les deux jeunes filles pour être certain d'en obtenir une, souhaire épouser Inés, à l'inverse de ce qui se passait dans la pièce italienne.

Le résultat est conforme à ses désirs, puisque Cesarino épouse Petronila après qu'elle l'a averti des projets criminels de Rugero -ils ne sont qu'évoqués, alors que dans I portentosi effetti ils donnaient lieu à un affrontement sur scène-. Il s'y était engagé alors, en dépit de sa condition de «mujer ordinaria», lui tenant un discours qui prône l'égalité entre les hommes, comme dans la pièce italienne, à ceci près que les propos que proférait Celidoro devant ses sujets, et au moment du dénouement, Cesarino les adresse en privé à Petronila, pour la convaincre, ce qui réduit leur portée.


      Basta
que me gustes, y seas linda;
que Naturaleza sabia
a todos nos hizo iguales
en el origen; y es rara
vanidad de los humanos
preferir las circunstancias
de su interés a la noble
conveniencia de sus almas41.



En outre, on chercherait vainement dans le texte de la zarzuela le «non euro nobiltà» impertinent et provocateur de Goldoni. Cesarino ne rejette pas ses origines. Certes, il est prêt à épouser une roturière. Il n'en aura pas l'occasion, car Benito révèle au dernier moment: «nacimos con sangre hidalga». Il ne pouvait pas en être autrement pour Ramón de la Cruz, qui n'a cessé, dans ses sainetes, de critiquer les mariages inégaux42.

La dernière scène, par ailleurs, invitait une fois de plus le public à faire le lien entre la zarzuela et la comedia de Calderón:

CORO
Viva el gran Cesarino,
nuestro príncipe ya;
y triunfe de sus hados
por una eternidad.


Ce triomphe, cependant, n'a pas pour cadre un «cortile adornato festivamente con archi e trionfi» et Cesarino n'entre pas en scène «in carro trionfale tirato del Popólo festoso»43, détails qui, peut-être, auraient pu rappeler de façon trop éloquente les festivités organisées en 1760 pour célébrer -avec quelques mois de retard, il est vrai- l'arrivée à Madrid de Charles III: le long du parcours que devait suivre alors le souverain, on avait construit un décor somptueux, comme un postiche qui masquait les rues que le roi devait parcourir, avec des tentures qui recouvraient les façades des maisons, et, cà et là, un temple romain ou un arc de triomphe44. Il ne fallait pas fournir au public l'occasion de se tromper de parodie...

Le modèle, c'était La vida es sueño, et Ramón de la Cruz avait tout fait pour faciliter son identification. La reprise de certains motifs délaissés par Goldoni45, les réminiscences -lexicales en particulier- du texte de Calderón, renvoyaient à la comedia de façon beaucoup plus limpide pour les Madrilènes que ne l'aurait fait une traduction fidèle de I portentosi effetti.

Le public y fut-il sensible? Nous l'ignorons, et nous ne saurions relier le succès, puis l'oubli de Los portentosos efectos de la naturaleza à sa parenté avec La vida es sueño. Ainsi qu'on l'a déjà souligné au début de cette étude, la création de la pièce eut lieu alors que ce nouveau genre de zarzuela commençait à peine à s'implanter, et que certains personnages masculins -Cesarino et Rugero en l'occurrence- étaient encore interprétés par des femmes, ce qui, forcément, leur ôtait une partie de leur crédibilité, même si le public était habitué à cette pratique et se déplaçait pour applaudir les prestations de ses actrices préférées. Ainsi, la très populaire MarÍa de Guzman, que le public surnommait «Guzmana la Buena», interprétait le rôle de Cesarino, tandis que Casimira Blanco, dite la «Portuguesa», et réputée pour ses qualités vocales, incarnait Rugero.

Ramón de la Cruz, soucieux de réformer le théâtre musical, allait confier de plus en plus les rôles masculins à des hommes46, et lors d'une des reprises ultérieures de Los portentosos efectos- très certainement celle de 1777, d'après les noms des acteurs figurant dans la distribution- les rôles de Cesarino et de Rugero furent tenus par José Ordóñez «Mayorito» et Vicente Sánchez «Camas». Avait-on conservé alors la partition d'origine, remaniée par Pablo Esteve en 1766oe Quoi qu'il en soit, la zarzuela qui avait cessé de plaire dès 1768, c'est-à-dire bien avant les remaniements dont il vient d'être question, disparut définitivement des programmes en 1777, comme d'autres zarzuelas de Cruz, véritables triomphes à leur création, dont la carrière s'arrêta dans le meilleur des cas au bout de quelques reprises, avant la fin des années soixante-dix, en tout cas.





 
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