HISTORIE
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Narbonne et son port (Dessin E. Dellong). |
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Plan de Narbonne |
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Plan du port. (Dessin E. Dellong). |
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Le fragment de la Lex de Flamonio
Provinciae Narbonensis (CIL 12, 6038=ILS 6964;Photo G. 1981,
fig 58) |
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Cadre Géographique
Le Narbonnais, qui est formé par la
plaine alluviale de l’Aude et une série de collines,
manifestation des derniers contreforts des Pyrénées,
s’ouvre largement sur le golfe du Lion. La côte basse
et sablonneuse est ponctuée par une série de massifs
séparés par des graus faisant communiquer les étangs
avec la mer. Au massif de la Clape font suite le grau de Grazel,
l’île Saint-Martin et le grau de Vieille-Nouvelle, l’île
sainte Lucie et le grau de La Nouvelle. Les étangs lagunaires,
dont le plus important est celui de Bages-Sigean, sont parsemés
d’îles et s’enfoncent profondément dans
les terres jusqu’à seulement 4 km de Narbonne. Ils
ont pu s’agrandir ou diminuer au gré des modifications
du niveau de la mer
Le cours de l’Aude (Atax) a divagué dans la plaine
au cours du temps et l’embouchure s’est plusieurs fois
déplacée. Actuellement elle se situe au nord de la
Clape dans le secteur de Vendres où le fleuve se jette directement
dans la mer. Dans l’Antiquité, il passait à
Narbonne et se déversait dans les étangs situés
au sud de la ville. Comme tous les cours d’eaux méditerranéens
il avait un débit irrégulier, très faible pendant
l’étiage mais démesurément grossi durant
les périodes de crues en automne ou en hiver. Dans les derniers
kilomètres, son cours, assagi en raison de la faible pente,
favorisait la formation de méandres dans la basse plaine,
mais permettait cependant aux bateaux de remonter jusqu’à
Narbonne.
La dernière terrasse alluviale bordant le fleuve sur les
deux rives avant la zone lagunaire et marécageuse se situe
aux environs de 10 m NGF et son altitude diminue assez rapidement
vers le sud et le long du fleuve pour atteindre seulement 5 m NGF.
Tel est le site choisi pour la construction de la ville.
Lieu de passage praticable situé le plus près de la
côte et donc favorable au tracé de voies longeant la
mer, c’est aussi le départ d’itinéraires
empruntant la vallée de l’Aude et du Fresquel pour
atteindre les rives de la Garonne et le Sud-Ouest. Accessible par
mer grâce au fleuve et aux nombreux graus qui le faisaient
communiquer avec les étangs, le site était particulièrement
favorable à l’installation d’une ville carrefour.
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Au Debut
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Cadre historique
Pendant les derniers siècles qui ont
précédé la conquête romaine, les habitants
de la région se sont réfugiés sur des sites
de hauteur qui bordaient le delta du fleuve ou qui jalonnaient le
littoral du golfe du Lion : le long de la côte, Pech Maho,
Le Moulin à Peyriac-de-mer et la Moulinasse à Salles
d’Aude ; plus à l’intérieur des terres
Montlaurès, le Cayla de Mailhac et Ensérune. Des prospections
récentes ont montré que des installations avaient
prospéré également dans la plaine aux VIe et
Ve s. av. J.-C. puis avaient disparu avant de resurgir au IIe s.
av. J.-C.
Beaucoup d’hypothèses ont été formulées
pour tenter d’établir la relation qui a pu exister
entre Narbonne et l’oppidum de Montlaurès situé
à peine à 5 km plus au nord. Certes on a découvert
ces dernières années les vestiges d’une occupation
indigène du Ve s. à l’extrémité
ouest de la ville, mais en dehors de ce modeste témoignage
force est de constater que les deux agglomérations ne sont
pas contemporaines. L’oppidum de Montlaurès est abandonné
progressivement au cours du Ier s. av. J.-C. tandis que Narbonne
fondée à la fin de du IIe s. av. J.-C. prend de l’importance
vers le milieu du Ier s. av. notre ère et surtout à
partir de la fin de la République. On ne peut donc établir
une relation directe entre ces deux agglomérations qui se
sont succédé dans le temps, le Ier s. av. J.-C. étant
une période charnière.
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Au Debut
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Contexte de la fondation de la colonie
Après la victoire remportée par
Q. Fabius Maximus et Cn. Domitius Ahenobarbus sur les Allobroges
et les Arvernes en 121 av. J.-C. au confluent de l’Isère
et du Rhône, ce dernier entreprit la pacification du Sud-Est
de la Gaule et sa marche dans le Languedoc ne semble pas avoir reçu
de résistance notable. Il fit le choix d’un emplacement
sur les rives de l’Atax pour y fonder la ville de Narbonne.
La décision de créer une nouvelle colonie romaine
en Transalpine fut prise sans tarder. Elle fut le résultat
d’un concours de circonstances mais aussi d’une volonté
délibérée de Rome. En effet, les motivations
étaient multiples. La conquête se justifiait aux yeux
de la population car elle permettait l’installation dans la
région pacifiée de colons peu fortunés qui
reçurent des lots de terres cultivables. D’autre part,
l’établissement d’une colonie favorisait les
possédants en renforçant les liens commerciaux terrestres
et surtout maritimes déjà existants et en garantissant
aux populations une zone de stabilité durable. La troisième
raison était d’ordre sécuritaire. On connaît
la méfiance séculaire de Rome à l’égard
des peuples de la Gaule. Il fallait protéger les nouvelles
conquêtes contre des populations toujours prêtes à
mener des incursions dévastatrices sur les rives de la Méditerranée
et à menacer sans cesse la route d’Espagne. Les raisons
sociales, économiques et militaires se sont conjuguées
pour emporter la décision de fonder une nouvelle colonie
dont Narbonne sera la capitale.
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Au Debut
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Date de la fondation.
De nombreuses hypothèses sur la date de la fondation de Narbonne
ont été formulées. Il est cependant communément
admis qu’elle aurait eu lieu en 118 av. J.-C. Comme l’atteste
l’inscription gravée sur une borne milliaire découverte
au sud de Narbonne qui indique la distance calculée à
partir de cette ville, CN. DOMITIUS AHENOBARBUS a le titre d’imperator.
Or on sait que son triomphe n’a lieu qu ’en 117.
La nouvelle déduction fut confiée au jeune L. Licinius
Crassus et à Cn. Domitius Ahenobarbus fils du proconsul pacificateur
de la région et auteur du choix du site de Narbonne. Elle
prit le nom de Colonia Narbo-Martius, Narbo étant un ancien
toponyme lié au fleuve, et elle fut mise sous la protection
du dieu Mars.
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Au Debut
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La première colonie
On ignore quelles terres furent confisquées aux indigènes
et distribuées aux nouveaux colons, les Atacini, dont le
nombre est estimé aux environs de 3 000. Ils seraient venus
pour la plupart de l’Ombrie, du Picenum, du Latium et de Campanie
et mentionnés dans la tribu Polia. Ces événements
économiques et politiques nécessitèrent une
cadastration dont les traces sont encore visibles aujourd’hui
dans le terroir narbonnais. Le parcellaire correspondant à
la première fondation peut être attribué au
cadastre B de Narbonne.
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Au Debut
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Narbonne point stratégique
Très tôt Narbonne est une base stratégique pour
Rome et joue son rôle d’ « observatoire et rempart
du peuple romain ». (Est in eadem provincia Narbo Martius,
colonia nostrorum civium, specula populi Romani ac propugnaculum,
CICERON, Pro Fonteio, V, 13.)
La ville sert de base de ravitaillement et, à plusieurs reprises,
de stationnement des troupes. Les légions y prennent leurs
quartiers d’hiver lors de l’expédition que Pompée
mène en Espagne contre Sertorius en 77-76 puis en 74-73 av.
J.-C. Point important pour les arrières de César durant
la guerre des Gaules, elle est menacée en 52 par la coalition
conduite par le cadurque Luctère. Le général
romain organise promptement sa défense et devant sa détermination,
l’envahisseur doit se replier.
En 49, lors de la lutte contre Pompée, plusieurs légions
césariennes prennent leurs quartiers d’hiver à
Narbonne.
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Au Debut
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La ville après la première
fondation
Les découvertes archéologiques datables de la première
déduction sont rares pour plusieurs raisons. La zone urbanisée
devait être de faible étendue. La ville moderne est
construite sur la ville antique et les vestiges appartenant à
cette époque sont profondément enfouis, jusqu’à
6 m de profondeur, ce qui explique que peu de fouilles aient pu
atteindre ces niveaux au centre ville. Les fossés découverts
au nord pourraient être des vestiges de camps militaires.
Les découvertes qui jalonnent la rue Charles Trenet, celles
qui ont été faites place Barra, à la caserne
Roger (gendarmerie) laissent entrevoir des installations datées
de la fin du IIe s. av. J.-C. Rien de sûr ne vient aider à
préciser d’ailleurs de quel type d’activité
ce secteur de la ville était le témoin. On serait
tenté d’y voir un centre commercial organisé
autour du reconditionnement du vin et de la céramique importés
d’Italie et réexpédiés vers le sud-ouest
par la vallée de l’Aude et du Fresquel.
Le port
On sait que les embarcations, instruments essentiels du commerce,
pouvaient remonter le fleuve jusqu’à Narbonne et même
au-delà. Il est difficile cependant d’évaluer
l’importance du port fluvial à cette époque,
de savoir quels types de bateaux pouvaient atteindre la ville ni
durant quelles périodes cet itinéraire a été
emprunté par la flotte marchande. On a communément
admis l’hypothèse d’un transbordement du fret
des grands bateaux affrontant la haute mer sur des embarcations
plus légères susceptibles de ne pas être gênées
par les hauts fonds. Il a été beaucoup écrit
sur l’existence d’avant-ports disséminés
dans les îles des étangs lagunaires, malheureusement
ces hypothèses ne sont étayées que par de rares
interventions archéologiques. Nichées au pied d’une
modeste falaise dominant l’étang de Bages, les installations
portuaires sûres ont récemment commencé à
être explorées. Dans les niveaux de sédiments
anciens, qui ont été rarement atteints, on a découvert
un mobilier du IIe s. av. J.-C. ce qui semble prouver que l’activité
portuaire a débuté dès la conquête romaine
sinon avant.
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Au Debut
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Deuxième fondation
En 46-45 av. J.-C., le vainqueur de la guerre des Gaules procède
à la fondation d’une nouvelle colonie à Narbonne.
Cette deuxième déduction concerne les vétérans
de la Xe légion qui reçoivent des lots de terre en
récompense de leur participation aux diverses campagnes césariennes.
Elle a eu lieu vraisemblablement après l’intervention
en Espagne et a été conduite par Ti. Claudius Nero,
père de l’empereur Tibère. Les raisons en sont
vraisemblablement d’ordre social et politique. La nouvelle
colonie prendra le titre de Colonia Julia Narbo Martius et les colons
surnommés les Decumani sont inscrits dans la tribu Papiria.
D’après les divers sondages archéologiques pratiqués
dans la ville ces dernières années, il semble que
cette deuxième fondation ait suscité une nouvelle
impulsion économique dans la région. A la fin de la
République de nouveaux quartiers sont urbanisés et
vraisemblablement la voie Domitienne connaît son tracé
définitif. La ville s’étend vers le nord-est.
A cette époque des maisons de type italique sont construites
et décorées de peintures caractéristiques du
IIe style pompéien. Une acculturation en profondeur se développe
à partir de Narbonne, centre économique et administratif,
d’où la civilisation romaine se diffuse dans l’arrière-pays.
A la lumière des connaissances actuelles, l’horreum
aurait été construit à la fin de la République.
Ces galeries souterraines, dont la fonction précise n’est
pas connue avec certitude, sont considérées comme
des magasins ou des entrepôts.
Le trafic maritime s’intensifie et le port de la Nautique
est le témoin d’un commerce plus intense. Les produits
finis importés de la métropole arrivent en abondance
comme en témoignent la céramique campanienne puis
la sigillée italique ainsi que les vins concurrencés
rapidement par ceux de Tarraconaise. En échange, des matières
premières sont exportées, comme le fer des Corbières.
Le port sert aussi d’étape pour le cabotage qui se
développe le long des côtes de la Méditerranée
occidentale maintenant globalement pacifiées.
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Au Debut
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Le Haut Empire
En 27 av. J.-C. Auguste séjourne à Narbonne et y réorganise
l’administration de la province. C’est une province
impériale administrée par un gouverneur jusqu’en
22 av. J.-C.,date à laquelle elle devient province sénatoriale.
En 11 ap. J.-C. les Narbonnais manifestent leur attachement au prince
en établissant un culte au numen Augusti.
Une période de prospérité s’installe
et la ville atteint son expansion maximum vers le nord-est. Les
quartiers périphériques sont dotés de voies
orthonormées sous lesquelles circule tout un réseau
d’égouts destinés à l’assainissement.
Le centre urbain s’embellit avec la construction du Capitole
en marbre de Carrare.
Sous le règne de Vespasien, le culte impérial de la
Province est organisé autour d’un ensemble architectural
situé à l’est de la ville où devaient
voisiner des édifices religieux et l’amphithéâtre.
Narbonne devient le siège de l’assemblée provinciale
et le lieu de résidence du flamine.
La prospérité de Narbonne est étroitement liée
à l’activité portuaire de Port-la-Nautique,
débouché naturel pour les productions du Languedoc
et de l’Aquitaine. Les amphores trouvées en grand nombre
en ville et au port nous renseignent sur l’importation massive
de vin et d’huile d’Italie et d’Espagne. Le chargement
des navires découverts près du Cap Creus confirme
le rôle de débouché commercial assuré
par le port de Narbonne pour les produits gaulois, en particulier
la céramique de La Graufesenque.
A partir de la fin du Ier siècle, de grandes fortunes se
concentrent entre les mains de quelques armateurs qui font profiter
la ville de leur richesse en faisant construire à leurs frais
des édifices publics comme vraisemblablement les thermes
récemment mis au jour au Clos de la Lombarde. De nouveaux
liens commerciaux se créent en particulier avec l’Afrique
du Nord.
Cette ère de prospérité se poursuit au IIe
s. malheureusement marqué par un violent incendie qui affecte
une grande partie de la ville. Grâce à la générosité
de l’empereur Antonin le Pieux, les grands monuments publics
retrouvent leur splendeur.
Pour des raisons multiples, qui ne sont pas spécifiques à
Narbonne, le déclin de la cité s’amorce dans
la première moitié du IIIe s. Les domus qui s’étendaient
au nord-est sont abandonnées et avec elles les thermes qui
faisaient partie du confort de ses habitants. Le commerce faiblit.
La récession ne fait que s’accentuer lorsque les invasions
deviennent menaçantes vers les années 275. Un rempart
est construit à la hâte avec les matériaux de
construction souvent prélevés sur les monuments funéraires
situés aux sorties de la ville.
Un nouveau coup du sort vient encore amoindrir le rôle politique
de Narbonne. L’ancienne Provincia est démembrée
sous Dioclétien et désormais seulement une partie
du Languedoc dépendra de son administration.
Des courants commerciaux et religieux nouveaux voient le jour ou
se renforcent dans l’Antiquité tardive. Les importations
d’Afrique du Nord prennent le pas dans certains domaines sur
ceux de la métropole : céramique mais aussi vin, marbre…
Les relations avec la Méditerranée orientale se développent
: achat de produits divers mais surtout arrivée d’idées
nouvelles comme les religions orientales dont le christianisme prêché
par l’évêque Paul au IIIe s. A la fin du IVe
s., plusieurs édifices religieux sont édifiés
: la basilique qui a précédé celle de saint
Rustique et celle du Clos de la Lombarde. Un certain regain d’activité,
dont il est difficile de mesurer l’importance, se manifeste
alors, mais il semble que le coup de grâce soit porté
peu après par les invasions des Wisigoths qui prennent la
ville en 412 : c’en est fini de tout ce qui avait fait la
grandeur de Narbonne antique.
La ville sera le témoin du mariage du roi Wisigoth Ataulf
qui épouse en 414 Galla Placidia demi-sœur de l’Empereur
Honorius, fille de Théodose. Chassé par les romains,
Ataulf se réfugie en Espagne où il est assassiné
en 415. En 417 le général Constance épouse
Galla Placidia et Honorius signe un traité avec les Wisigoths
qui doivent quitter l’Espagne et s’établir comme
fédérés dans la Gaule du sud-ouest. Ils occupent
l’année suivante la province d’Aquitaine une
partie de la Novimpopulanie et de la Narbonnaise première.
Durant la période trouble qui suivit la mort de Constancius
III, ils envahissent toute la province de narbonnaise. Reprise en
main par le général romain Aetius, Narbonne est livrée
définitivement à Théodoric roi des Wisigoths
en 462. Après la victoire de Clovis sur les Wisigoths à
Vouillé en 507, elle deviendra quelque temps résidence
royale avant que, en 531, Théadis ne transporte son siège
à Barcelone. En 548 Agila transfère sa capitale à
Mérida. Narbonne prend le titre de chef-lieu de la Septimanie,
région comprenant la plus grande partie de la Narbonnaise
première.
L’invasion musulmane progresse en Espagne au début
du VIIIe s. tandis que s’effondre le royaume wisigoth. A son
tour, Narbonne succombe aux assauts des armées arabes en
719. Elle sera prise par les Francs en 759.
Le Ve siècle a vu l’épanouissement du christianisme
qui se manifeste par l’édification de plusieurs églises
sous l’impulsion de son évêque Rustique. Les
relations entre les goths ariens et la population catholique restent
cependant difficiles et donnent lieu parfois à des persécutions
comme celles menées par Euric, Alaric II et Amalaric en Espagne.
Durant les périodes troubles des VIIe et VIIIe s. Narbonne
perd progressivement son prestige politique tandis que son rôle
religieux continue à progresser et deviendra de première
grandeur sous les Carolingiens.
M. et R. Sabrié
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