Il existe au Fonds d'Alcobaça de la Bibliothèque Nationale de Lisbonne un Mariale (Alc. 149) du XII/XIIIème siècle, quasi méconnu des érudits. Seul Fr. Fortunato de S. Boaventura lui a accordé quelque intérêt au commencement du siècle dernier. Il s'agit pourtant d'un document remarquable, dont on peut relever, parmi bien d'autres pièces, trois noyaux fondamentaux: a) un Transitus Mariae; b) Miracula B. Mariae Virginis; c) un Corpus Rythmicum Marianum.
Le Transitus peut être rattaché au Transitus publié en 1933 par Dom André Wilmart, dont le nôtre représente, à quelques variantes près, un abrége, avec des suppressions significatives concernant l'Assomption de la Vierge.
Une série de 49 Miracula, dans un total de 78 (parmi lesquels l'ouvrage de Hugues Farsite, Libellus de Miraculis B. M. Virginis in urbe Suessionensi), présente des affinités très nettes avec une autre série documentée dans un groupe de trois manuscrits designés par les sigles APM, soit, A, Ms. British Museum Arundel 346 (XIIème siècle.), P, Paris, Bibliot. Nat. 18168 (XIIème sc.), M, Montpellier 146 (XII-XIIIème sc). Cependant, on peut remarquer a l'Alc. 149 une fidelité plus grande à conserver les miracles des collections primitives, notamment ceux de la collection Pez-HM. Encore l'identité avec la serie des Milagros de Nuestra Señora, de Gonzalo de Berceo, n'est-elle guère perturbée que par l'insertion dans notre manuscrit de quelques autres miracles (presque tous présents à Pez-HM) et l'absence, explicable, du miracle 25 de Berceo. De plus, la reproduction presque intégrale (à l'exception de deux miracles) de l'ouvrage de Hugues Farsite à l'Alc. 149 fournit, par rapport aux autres témoins de la tradition manuscrite des miracles de la Vierge (par ex., le Copenhague Thott 128), un indice de fidelité dans la transcription des modèles.
Le Corpus Rythmicum Marianum est constitué par 22 poèmes, dont 7 appartiennent sûrement à Bernard de Morlas, 3 sont attribués traditionnellement à Adam de Saint-Victor, 1 à Godefroid de Saint-Victor, 1 à Marbode de Rennes, et les 10 autres n'ont pas d'auteur reconnu, mais 6 ne sont pas enregistrés aux oeuvres habituelles de référence; on publie ici ces poèmes, tout en adoptant un apparat critique pris aux AHMAE.
Les aspects matériels de l'Alc. 149 font l'object d'une analyse codicologique détaillée, à travers laquelle on peut reconnaître les caracteres soit hétérogènes soit unitaires du manuscrit et déduire ses couches primitives. En effet, on est amené à distinguer un ensemble central primitif (du XII/XIIIème siecle) constitué par des mains differentes et auquel on a ajouté plus tard (au moment, peut-être, ou l'on a fait la reliure actuelle) une autre unité codicologique (un quinion) matériellement différente, bien que semblable, au moins en partie, pour le contenu.