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ArribaAbajo Les peintres de l’exil à Toulouse

Michel Battle


Artiste peintre
Catalan d’origine.
Né à Toulouse en 1946
a réalisé plus de cinquante
expositions personnels
en France et à l’étranger
et les concerts Fluxus
avec Ben, concerts
«électro-paléolitiques»
avec le groupe «Articide».
Créateur de plusieurs revues
dont «Axe Sud» en 1981.
Père anarchiste Catalan,
mort en 1948.
Mère toulousaine.

Toutes les évocations qui jusqu’à aujourd’hui ont pu être faites autour des artistes espagnols réfugiés à Toulouse, ont été fragmentaires et n’ont reposés que sur des critères d’amitié et d’affinités esthétiques.

J’ai toujours été surpris que personne ne s’intéresse plus profondément à ce passionnant sujet. À partir de ce constat, j’ai esquissé une préfiguration dans une exposition qui eut lieu à la Librairie Castela, en 1999, lors du festival «Cinespaña», rassemblant trois générations: les exilés, leurs enfants et leurs petits-enfants. Mais en 2002, on laisse toujours dans l’ombre des artistes aussi intéressants que le graveur Pablo Salen, le dernier survivant! Ancien pilote de chasse de l’armée républicaine, il perdit un bras au combat ce qui ne l’empêcha pas de tirer des centaines de gravures dont une série très forte consacrée à la guerre d’Espagne fut acquise par la Bibliothèque Nationale. Il serait temps que Toulouse lui rende hommage!

Que dire du grand peintre néo-cubiste Virgilio, qui disparut trop tôt en 1947 laissant derrière lui une oeuvre comparable à celle de Juan Gris, un artiste qui dans sa dernière année allait vers une totale monochromie! Parfois une de ses oeuvres passe dans une vente, à Paris ou en Suisse, mais dans sa ville d’accueil où il vécut, il demeure toujours inconnu!

Si le nom de Vicens-Gironella ne vous dit plus rien, il suffit de vous rendre à Lausanne, dans le Musée de l’Art Brut créé par Dubuffet, une salle lui est consacrée!

Dans un autre registre, celui de l’art naïf, les «vieux toulousains» se souviendront de cet homme qui plantait son chevalet dans les rues de Toulouse; j’ai acquis une «Plaza de Wilson» du plus bel effet, comme on dit, que je lui avais vu peindre alors que j’avais quatre ans! Il s’appelait Izquierdo-Carvajal.

Il y eût, à moment donné, un point fort à Toulouse qui regroupa la communauté artistique espagnole, ce fut à l’occasion de la grande exposition de 1965 «Picasso et le théâtre» organisée au Musée des Augustins par son conservateur Denis Milhau. Je me souviens avoir aidé à l’accrochage des tableaux de Picasso qui venaient de tous points du monde, le soir après les concerts de flamenco, nous retrouvions au Porto Cristo pour continuer la fête à la manière espagnole. Il y avait une véritable communauté d’artistes dans laquelle Carlos Pradal m’avait introduit. Nous exposions parfois ensemble et Carlos plus que tout autres symbolisait dans sa peinture et dans son attitude, le «sentiment tragique de la vie», qui lui donnait cette aura d’artiste déchiré.

Dès ma plus jeune enfance, c’est le peintre «fauve» Manuel Camps-Vicens que je côtoyais le plus souvent et nous sommes vus jusqu’à la fin de ses jours. Ainsi pour marquer Toulouse au fer de l’Espagne, Liberto Pérez inaugura le Centre Léonard de Vinci en 1971 par une exposition commune de nos oeuvres, comme le passage de témoin entre deux générations; si je n’avais pas le label d’artiste espagnol à Toulouse, lors de mes séjours à Barcelona, je me sentais totalement catalan car j’étais pour eux, un «exilé culturel».

Les Espagnols de Toulouse avaient l’habitude de se réunir, à Wilson, là où se trouve maintenant la station de métro Jean Jaurès. L’Espagnol aimait parler et bon nombre d’ouvriers étaient des gens très cultivés. Le soir on «faisait les Ramblas» et quand il faisait bon, on sortait les chaises et on parlait, comme sur ce Quai de Tounis, si long, lieu de rencontre pour tant de gens différents. Camps-Vicens, l’ancien capitaine de l’armée républicaine et Virgilio l’anarchiste ne parlaient jamais de la révolution mais plutôt peinture. Virgilio avait rencontré Picasso à Paris, ils avaient sympathisé et s’étaient mutuellement portraiturés. Le poète Sabartès avait introduit Virgilio dans le cénacle des peintres espagnols, il avait même exposé avec eux puis était rentré à Toulouse pour se soigner d’une maladie contractée sur le front d’Aragon et qui allait l’emporter un jour d’été 47...

Dans ce petit monde hispanique de Toulouse où l’on rencontrait parfois une ou un ancien ministre du gouvernement de la République en exil, il y avait eu assimilation de la part de certains toulousains à cette sensibilité, à cette exubérance qui se manifestait en particulier dans l’art. Il y avait aussi des inclassables comme Bernadi, l’enfant de Collioure qui n’était ni français ni espagnol mais catalan, fils de la mer et des rochers; sa peinture et ses romans faisaient de lui un artiste passionnant et singulier. Beaucoup nous ont quittés et je revois encore le doux sourire de Forcadell-Prat qui était un fameux restaurateur de tableaux, rendez-vous compte, il travaillait un jour sur «la vierge au diadème» de Raphaël! Son fils était parti à Paris faire du dessin humoristique politique, lui n’était jamais sorti de Toulouse et n’avait surtout pas remis les pieds en Espagne.

Ainsi cette mêlée espagnole se mariait-elle si bien avec l’âme toulousaine, ses artistes: Igon, Kablat, Darbefeuille, Drogrez, Robert Thon, Yan Dieuzaide...

Que d’échanges, que d’émotions et que d’oublis aujourd’hui!