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Présentation de Tirant le Blanc1

Jean Marie Barberà


Université de Provence - Marseille I.



Tirant le Blanc, dont Cervantès vante les mérites, est assez méconnu en France, y compris dans les milieux universitaires. Il m'a donc semblé utile d'organiser un colloque international sur ce sujet, colloque qui s'est tenu à l'Université de Provence en 1994. La qualité des communications justifiait la publication des Actes, qui sont sortis des presses en 1997. Ce délai peut sembler long, mais il est en partie justifié par le fait que tous les articles en catalan ont été traduits, généralement par mes soins, en français, car le public visé était, dès le départ, français. Une présentation de ma plume précède les différentes contributions de collègues hispanistes, catalanistes et italianistes.


Au chapitre six de la première partie de Don Quichotte il est fait mention d'un roman de chevalerie dont le titre est Tirante el Blanco. Par la voix du curé qui procède à l'autodafé des livres constituant la bibliothèque de don Quichotte, Cervantès ne tarit pas d'éloges sur ce roman2 dont il a lu la traduction castillane de 1511, sans mention d'auteur, la seule qu'il ait probablement connue. Il ignore donc que l'œuvre est catalane, que son titre original est Tirant lo Blanc3 et que son auteur s'appelle Joanot Martorell.4

Martorell, né autour de 1410, commence à rédiger son roman le 2 janvier 1460. Il ne met pas plus de cinq ans à l'écrire, car il lorsqu'il meurt en 1465, son manuscrit se trouve déjà entre les mains de Martí Joan de Galba auquel, contre un prêt d'argent, il l'a laissé en gage. Ce n'est qu'en 1489 que Galba entreprendra des démarches pour publier le manuscrit -l'imprimerie n'est introduite à Valence qu'en 1474, neuf ans après la disparition de Martorell-. L'affaire est conclue, mais Galba meurt dans les premiers mois de 1490, sans avoir vu le livre imprimé.

L'incunable sort des presses de l'imprimeur allemand Nicolau Spindeler, installé à Valence (Espagne), le 20 novembre 1490.5 Il est tiré à 715 exemplaires. Sept ans plus tard, il en est fait une seconde édition à Barcelone, à tirage plus limité, qui porte le nombre d'exemplaires à environ un millier. L'imprimeur en est cette fois Diego de Gumiel, le même qui en 1511 publiera la première traduction castillane, à Valladolid.6 Si l'on considère que les catalanophones sont alors grosso modo au nombre de 650 000, cela correspond à un tirage d'environ 92 000 exemplaires dans une France de 60 millions d'habitants, ce qui est loin d'être négligeable et qui montre le succès d'une œuvre qui par ailleurs devait déjà être connue avant même d'être imprimée. En effet, au XVe siècle la publication d'un livre sur des presses toutes neuves -l'imprimerie européenne n'a que trente-cinq ans d'âge- étaient généralement précédée de lectures publiques. Acheter un livre que l'on connaît déjà montre à l'évidence qu'on l'apprécie hautement. Que Diego de Gumiel ait jugé bon d'en offrir une traduction à un public castillan ne fait que confirmer cette opinion.7 Tirant le Blanc sera traduit en italien dès 1538,8 mais il faudra attendre le XVIIIe siècle pour le voir versé au français.9

Curieusement, après ce succès tardif mais certain, le livre est quasiment tombé dans l'oubli en France, alors qu'il a intéressé, outre les érudits ibères, nombre de chercheurs anglo-saxons, italiens, allemands, roumains et autres10 -signe de cet intérêt, les traductions modernes se sont multipliées: anglais, roumain, suédois, néerlandais, finlandais, italien, allemand, chinois...- Le public de notre pays dans son ensemble connaît assez peu Tirant le Blanc. Et ceux qui n'en ignorent pas l'existence ne lui donnent cependant pas la place qui lui revient dans la littérature européenne et ne prennent pas l'exacte mesure de son importance dans la naissance du roman moderne. Nous n'en voulons pour preuve que l'extrême rareté des études qui lui sont consacrées en France.11 C'est pourquoi il nous a semblé utile et urgent de proposer hors des frontières espagnoles, et pour la première fois, un colloque international consacré à ce roman catalan du XVe siècle, injustement oublié chez nous, avec l'espoir que cette démarche susciterait des travaux qui je-teraient de nouvelles lumières sur l'aube du roman européen. Ce premier colloque international vient après le symposium remarquable organisé par le père de tous les tirantistes du monde, Martí de Riquer,12 qui s'est tenu à Barcelone en 1990 à l'occasion du cinq centième anniversaire de l'édition princeps, et qui a été suivi deux ans plus tard d'un colloque assez intime à Valence.

Car Tirant le Blanc marque assurément un jalon important dans la création du roman européen moderne, et Mario Vargas Llosa ne s'y est pas trompé. Dès 1969, dans une préface flamboyante à une nouvelle traduction castillane,13 «Carta de batalla por Tirant lo Blanc», cet écrivain talentueux analyse avec la finesse qui le caractérise l'œuvre de Martorell.14 Il n'est pas le seul à avoir trouvé quelque valeur à notre roman. Italo Calvino, dans son recueil d'essais et articles intitulé Perchè leggere i classici,15 lui consacre six pages. Il nous a semblé bon d'apporter notre pierre à l'édifice naissant en offrant aux chercheurs et aux curieux français quelques articles qui pourraient les inciter à s'y intéresser davantage.16 La traduction que nous préparons par ailleurs17 permettra à tous ceux qui ne maîtrisent pas suffisamment le catalan ou le castillan -car la traduction de 1511 est fort bonne- de lire un texte fondamental de la littérature européenne.

Martorell et son Tirant le Blanc s'inscrivent dans le cadre historique du XVe siècle catalan. La Couronne d'Aragon-Catalogne brille alors de tout son éclat, et son fleuron en est le Royaume de Valence, qui lui offre un siècle d'or littéraire. Après quelques années d'instabilité consécutives à une crise successorale, le pays se lance dans une politique extérieure agressive avec l'avènement d'une dynastie castillane issue du compromis de Casp (1412) et le règne d'Alphonse le Magnanime (1416-1458) qui conquiert le Royaume de Naples. Mais cet élan est quelque peu contrarié sous son frère et successeur Jean II (1458-1479),18 qui, pour des questions dynastiques, doit s'opposer à son propre fils, Charles de Viana, et se trouve également confronté à une guerre civile en Catalogne stricte. Toutefois ces problèmes n'ont aucune répercussion néfaste à Valence, bien au contraire, car les capitaux barcelonais qui fuient l'insécurité de la ville comtale viennent se réinvestir plus au sud. Tout n'est pas parfait, bien sûr -menace de disette, peste endémique, crises confessionnelles à l'occasion-, mais rien vraiment que l'on ne connaisse sous d'autres cieux; rien en tout cas qui nuise à l'éclosion de ce Siècle d'Or des lettres catalanes, trop méconnu, qui a produit des écrivains dont les œuvres ne dépareraient pas au Firmament universel des Lettres: Jordi de Sant Jordi (13??-c. 1424) qui suit encore le style troubadour, Ausiàs March (c. 1397-1459), maître de l'analyse introspective de l'homme renaissant,19 Joan Roís de Corella (1433/43-1497), pétri d'humanisme érudit, Jaume Roig (1???-1478) et l'école satirique valencienne, sor Isabel de Villena (1430-1490), plume intimiste et tendre, pour ne citer que les plus grands. Martorell, à la charnière entre Moyen Âge et Renaissance, se trouve en bonne compagnie. D'autant que les rapports avec les Italiens sont étroits: Alphonse V le Magnanime, dont nous avons déjà parlé, s'installe à Naples où il tient une cour brillante jusqu'à sa mort en 1458. Son fils Ferdinand lui succède à Naples avec le même éclat. On sait que Martorell a séjourné un peu plus d'un an à la cour napolitaine à partir de 1454, six ans donc avant de commencer à écrire son roman. Fait significatif, c'est probablement un membre de cette cour qui a écrit Curial et Güelfe, l'autre grand roman chevaleresque du XVe siècle catalan.20 Tirant le Blanc n'est pas une fleur isolée.

Pour préciser le genre littéraire de Tirant le Blanc -pseudo-biographie d'un chevalier breton qui, dès l'âge de vingt ans, se fait connaître au cours de fêtes et de combats à la cour d'Angleterre, puis devient chef des forces armées qui volent au secours de l'île de Rhodes et de l'Empire grec qu'il défend contre l'invasion turque- nous suivrons Martí de Riquer qui, à plusieurs reprises,21 l'a distingué des romans de chevalerie dans lesquels Cervantès l'avait enfermé, lui faisant probablement subir -malgré les louanges dont il l'accable- un préjudice dont il ne s'est pas encore entièrement remis. Riquer relève très justement que dans Tirant le Blanc on ne trouve aucun des éléments merveilleux et franchement extravagants qui sont pléthore dans le roman de chevalerie; tout, au contraire, y est plausible. En cela il ressemble davantage à un autre genre littéraire contemporain, que l'on retrouve dans d'autres pays à la même époque,22 et qui relate la vie de chevaliers exemplaires, bien réels la plupart du temps, genre que Riquer appelle 'roman chevaleresque'.

Nous pouvons dès à présent donner la trame générale de cette fiction qui relève plus de ce roman chevaleresque que du roman de chevalerie proprement dit. La seule feuille manuscrite qu'on en a retrouvé23 montre de toute évidence que l'introduction de chapitres est due à l'imprimeur, dans le but évident d'en faciliter la lecture -la traduction castillane quant à elle propose une division en cinq parties, inexistante dans l'original-. C'est le même souci qui a conduit Martí de Riquer à introduire dans son édition moderne de grandes divisions qui suivent la trame de l'histoire et qui se révèlent fort utiles. Nous les suivrons donc ici. Après une dédicace et un prologue, la fiction débute:


1. Guillaume de Warwick (cc. 1-27)24

L'histoire commence par le récit de la vie et des aventures du vaillant chevalier anglais Guillaume, comte de Warwick, qui après une jeunesse au cours de laquelle il s'est couvert de gloire au combat, décide, à cinquante-cinq ans, d'abandonner le métier des armes et d'aller en pèlerinage à Jérusalem, afin d'obtenir le pardon de ses fautes. Il abandonne en Angleterre sa femme, à qui il confie ses biens, et son fils, qui n'est encore qu'un tout jeune enfant. Il laisse à la comtesse la moitié d'un anneau à leurs armes dont il garde l'autre moitié. Malgré les supplications de son épouse éplorée, il ne revient pas sur sa décision et se rend dans la ville sainte. Sur le chemin du retour, il passe par Venise d'où il fait courir le bruit de sa mort. En apprenant la (fausse) nouvelle, la Comtesse, convaincue d'être veuve, célèbre ses funérailles. Guillaume ne s'est fait passer pour mort que pour aller vivre en ermite sur les domaines de son ancien comté. Il rejoint donc Warwick, méconnaissable sous sa longue barbe et ses cheveux qu'il a laissés pousser, revêtu de l'habit franciscain et s'installe dans un ermitage sis sur sesterres, vivant d'aumônes. À quelque temps de là, le roi maure de Grande Canarie vient assiéger le roi d'Angleterre qui se voit dans l'obligation d'abandonner Londres et de se réfugier sur les terres de Warwick, où la Comtesse l'accueille. Mais les Maures investissent la place, au grand désespoir du roi anglais. Alors que celui-ci se lamente, une donzelle lui apparaît: elle lui dit d'embrasser et de nommer capitaine de son armée le premier homme qui lui demandera l'aumône. Ce sera, bien sûr, le comte-ermite qui, après bien des vicissitudes, vaincra le roi maure, lui coupera la tête puis, l'Angleterre sauvée, se retirera à nouveau dans son ermitage.




2. Tirant et l'ermite (cc. 28-39)

À quelque temps de là, le roi d'Angleterre annonce la célébration de ses noces avec la princesse de France, pendant lesquelles tous les jeunes nobles qui le demanderont seront armés chevaliers. Tirant le Blanc, gentilhomme breton, prend la route pour se rendre à Londres. Avec d'autres jeunes gens, il veut assister aux fêtes et être armé chevalier. Fatigué par le voyage, il s'endort sur son cheval, se sépare du groupe et se retrouve près d'une source non loin de laquelle vit Guillaume de Warwick. Tirant se présente à l'ermite qui, lui, garde son anonymat. Au cours de la conversation, Guillaume s'étonne que Tirant, qui veut être adoubé, ne connaisse pas les règles de la chevalerie; il lui explique donc quelles sont la nature et la valeur de l'Ordre de la Chevalerie. Après avoir bien écouté la leçon de l'ermite, le jeune Breton, alourdi du précieux Arbre des batailles, livre dont l'ermite lui a lu des passages pour l'enseigner, poursuit son voyage et rejoint ses compagnons de route. Arrivé à Londres, il participe aux fêtes en l'honneur du mariage royal qui durent un an et un jour. Il est armé chevalier et prend part à de nombreux combats singuliers dont il sort victorieux. Puis il reprend le chemin du retour en compagnie de ses amis et fait étape chez le comte-ermite.




3. Les fêtes d'Angleterre (cc. 40-57)

Tirant lui raconte tout le faste des fêtes. Mais lorsque l'ermite veut savoir qui a été le meilleur chevalier, la modestie de notre héros l'empêche de poursuivre: c'est Diaphébus, le cousin de Tirant, qui lit la lettre où le roi d'Angleterre certifie que Tirant a été le meilleur chevalier.




4. Les exploits de Tirant en Angleterre (cc. 58-84)

Le comte-ermite voulant entendre les prouesses de Tirant, Diaphébus rapporte ses exploits. Une fois armé chevalier par le Roi, le Breton entre en lice. Au cours des trois premiers combats à cheval, il tue ses adversaires. Ici s'intercale l'épisode de la belle Agnès, fille du duc de Berry. Tirant promet de la servir et de combattre pour elle contre une broche que la jeune fille porte à la poitrine. Celle-ci accepte, mais, jaloux, un ancien prétendant, le seigneur de Bourgsdéserts, provoque Tirant pour récupérer la broche, et tout finit dans un bain de sang, à l'avantage du chevalier breton. Plus avant, Tirant croise sur une place le dogue du Prince de Galles; le chien l'attaque et Tirant décide de se défendre à mains nues contre l'animal afin de ne pas avoir l'avantage des armes; il en vient à bout, au grand dam de son maître. Peu après arrivent en Angleterre, incognito, les rois de Frise et de Pologne, les ducs de Bavière et de Bourgogne. Tirant les rencontre tous les quatre et les bat l'un après l'autre. Quelque temps après se présente le gigantesque Kyrie-Eleison de Montauban, qui vient venger son seigneur, le roi de Frise. Mais il est pris d'une telle douleur devant la tombe de son suzerain qu'il en meurt. Son frère, Thomas de Montauban, le remplace, mais vaincu par Tirant il se rend et, déshonoré, se retire dans une abbaye.




5. L'ordre de la Jarretière (cc. 85-97)

Après avoir rapporté les exploits de Tirant, Diaphébus explique ce qu'est l'Ordre de la Jarretière et comment il fut créé; puis les Bretons prennent définitivement congé de l'ermite.25




6. Tirant en Sicile et à Rhodes (cc. 98-111)

Tirant et Diaphébus se rendent à Nantes, où ils sont reçus par le duc de Bretagne. Peu après arrivent deux chevaliers de la cour du roi de France qui racontent que les Maures assiègent l'île de Rhodes et que le Maître de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem qui y est installé demande de l'aide. Un stratagème ourdi par les Génois, alliés du Sultan du Caire, a fait long feu et les traîtres ont été massacrés. Ceux qui ont pu s'enfuir ont rejoint le Sultan à Beyrouth. Celui-ci a débarqué dans l'île et l'occupe, à l'exception de la ville elle-même qui, assiégée sur terre et sur mer, ne peut recevoir nul secours. Quelques marins cependant ont pu échapper au blocus et vont avertir les princes de la Chrétienté, dont aucun ne réagit. Tirant s'en émeut.

Il achète donc un navire pour voler au secours des assiégés. Apprenant cela, Ténébreux, un gentilhomme français, lui propose d'accepter que se joigne à l'entreprise l'infant Philippe, cinquième fils du roi de France, mal aimé de ses parents. Le navire prend la mer et passe par Lisbonne, Gibraltar, longe la côte de Berbérie et met le cap sur Palerme pour se fournir en blé. Philippe, présenté comme borné et grossier, tombe amoureux de l'infante Ricomane, fille du roi sicilien. Tirant aide Philippe à se montrer sous son meilleur jour et il y parvient, trompant la princesse Ricomane qui ne peut supporter ni la grossièreté ni la niaiserie.

Averti de la chute imminente de Rhodes, Tirant revient à son projet initial. Il embarque avec le roi de Sicile et l'infant Philippe pour rejoindre l'île. Il entre dans le port en brisant audacieusement le siège de la ville, et grâce à l'astuce d'un marin il met le feu aux navires des Génois qui se sont alliés aux Maures. Il contraint à la retraite les troupes ennemies et Rhodes est libérée. À la suite de sa défaite, le Sultan est exécuté par les siens.

Deux galères font escale à Rhodes; elles se rendent en Terre Sainte. Tirant y prend place avec ses compagnons. Ils vont à Jérusalem et à Alexandrie où Tirant rachète de nombreux captifs chrétiens. Ils reviennent en Sicile où, après de nouvelles péripéties -au nombre desquelles se trouve l'épisode du philosophe calabrais- on célèbre les noces de Philippe et de Ricomane.




7. L'expédition avec le roi de France (cc. 112-114)

Le roi de France se trouve alors à Aigues-Mortes, à la tête d'une flotte qui se prépare à aller combattre les infidèles. Le roi de Sicile décide de lui prêter main forte et place Philippe à la tête des navires qu'il lui envoie. Tirant participe à l'expédition sur sa propre galère et se couvre de gloire, non sans connaître quelques démêlés avec un autre chevalier chrétien, jaloux de sa renommée, Richard le Chanceux. Ils finiront par devenir les meilleurs amis du monde. Après avoir longé les côtes d'Afrique du Nord et d'Espagne, Tirant débarque à Marseille.

De là, il retourne en Bretagne pour revoir ses parents et tous les siens. Mais le roi de Sicile le réclame et il se rend de nouveau à Palerme.




8. Tirant dans l'empire grec (cc. 115-296)

Le roi de Sicile a reçu une lettre de l'Empereur de Constantinople aux abois. Le Sultan et le Grand Turc se sont emparés d'une grande partie de ses terres et le pressent dangereusement. Informé de la valeur guerrière de Tirant, il fait appel à lui pour chasser les infidèles. Tirant accepte et, à la tête d'une troupe nombreuse levée en Italie par les ambassadeurs impériaux, il arrive à Constantinople où il est magnifiquement reçu par l'Empereur. Il est nommé Capitaine de l'armée et de la justice impériales.

Sa rencontre avec Carmésine, fille de l'Empereur, marque le grand tournant de l'histoire. Dès qu'il la voit il en tombe éperdument amoureux et sombre dans une profonde mélancolie. La Princesse répond à son amour, mais leurs statuts respectifs leur interdisent d'étaler leur passion au grand jour. Carmésine montre son intérêt pour Tirant en le défendant chaque fois qu'il est attaqué par des courtisans envieux et en le mettant en garde contre le perfide duc de Macédoine,26 soupçonné -non sans raison- d'avoir tué le Prince héritier. Le chevalier breton finit par déclarer son amour à la Princesse en lui offrant le portrait de celle qu'il aime: un miroir dans lequel Carmésine voit sa propre image! Des relations complexes se nouent alors entre les deux amants que leurs positions séparent, un jeu subtil de sentiments où joie et douleur, espoir et désespoir alternent et se mêlent. Stéphanie, sœur de lait et confidente de la Princesse, fille du précédent duc de Macédoine, fera tout pour adoucir ses déchirements secrets. Elle formera un couple parallèle avec Diaphébus, dont les amours seront moins tumultueuses, car la distance entre eux est moindre. Carmésine trouve aussi le soutien d'une autre de ses suivantes, Plaisirdemavie, dont le nom seul est déjà un gage de bonheur. Jeune fille joyeuse, pleine d'entrain et délurée, elle fera tout pour que Tirant arrive à ses fins dans son entreprise amoureuse.

Pendant ce temps le Sultan se prépare à mettre le siège devant Constantinople, après avoir dérouté l'armée grecque commandée par le mauvais duc de Macédoine. Tirant lève une armée de volontaires à Constantinople, rejoint le théâtre des combats et remporte une éclatante victoire, ce qui emplit le Duc d'une rage folle. Il se montre insultant vis-à-vis de Tirant qui veut arriver à un accord pour la direction de la guerre, pour assurer la survie de l'Empire. Le Sultan envoie un ambassadeur, Abd Allah Salomon, afin d'obtenir une trêve de six mois. Contre l'avis du Duc, Tirant refuse de l'accorder, pensant tirer avantage, sur le terrain, du désarroi des infidèles. Malgré le nouveau succès du Capitaine, le Duc s'indigne de ne pas avoir été écouté. Diaphébus conduit les prisonniers faits pendant la bataille à Constantinople. Il rapporte à la Princesse les exploits de Tirant et lui rappelle l'attachement de celui-ci. C'est à cette occasion que Stéphanie laisse clairement entendre qu'elle éprouve un doux penchant pour le cousin de Tirant.

Le Sultan reprend son offensive et Tirant se réfugie dans le château de Mauvoisin27 pour préparer son plan de campagne. Ses soldats étant inférieurs en nombre en dépit de l'arrivée des hommes envoyés par le Maître de Rhodes, il doit compenser le déséquilibre des forces en usant d'intelligence. Il va feindre de fuir pour mieux surprendre les ennemis de l'Empire. Retors, le Duc met à profit cette feinte pour envoyer à l'Empereur un messager lui annonçant la déroute de l'armée grecque et la fuite honteuse de Tirant. En réalité le Capitaine remporte une nouvelle victoire sur les Maures. La vérité rétablie, Tirant envoie le butin et les prisonniers à Constantinople. Sur le champ de bataille, les Turcs qui ont survécu et se trouvent dans un état critique n'ont d'autre recours que de proposer un combat à outrance entre le roi d'Égypte, très adroit aux armes, et Tirant. Ils ont décidé de laisser le combat aller à son terme si leur roi a le dessus, et de cribler de flèches le Capitaine si celui-ci l'emporte. Mais le piège est déjoué, grâce à un transfuge qui vient l'éventer. Tirant accepte le défi à certaines conditions qui rendent impossible la scélératesse.

Le courage du Capitaine décuple la haine du duc de Macédoine, qui ne veut pas reconnaître son autorité, qu'il tient pourtant de l'Empereur. Après des propos très vifs, Tirant accepte de renoncer à son titre de Capitaine et prie le conseil de guerre d'élire quelqu'un d'autre pour cette fonction. Les chevaliers présents n'acceptent pas sa proposition et condamnent fermement la conduite du Duc.

Philippe, qui est devenu roi de Sicile à la mort de son beau-père, envoie à Tirant une armée commandée par le duc de Messine. L'Empereur se joint à eux pour gagner la zone des combats. Carmésine ne veut pas être en reste et, à la tête d'une troupe féminine bien armée, elle se mêle à l'expédition.

Au cours d'une nouvelle bataille, le duc de Macédoine tente de tuer Tirant mais ne réussit qu'à le blesser dans le dos. Et c'est lui qui meurt des mains du roi d'Afrique, l'un des souverains ennemis. Au bout de deux jours de combats, la bataille est encore gagnée grâce au courage et à la science de la guerre de Tirant. Suivent de nouveaux jeux galants entre Stéphanie et Diaphébus et entre Carmésine et Tirant. Pour remercier son capitaine, l'Empereur veut le faire comte de Saint-Ange, mais le Breton, dont l'ambition est plus grande, propose que le titre aille à Diaphébus. Son cousin obtient donc le comté et le titre de Grand Connétable. Des fêtes à Mauvoisin célèbrent l'événement, au cours desquelles Tirant et Diaphébus rejoignent en secret la Princesse et Stéphanie dans leur chambre. La malicieuse Plaisirdemavie, qui a surpris la scène nocturne sans se montrer, la rapporte le lendemain comme s'il s'agissait d'un rêve; elle en profite pour déclarer sa passion pour Hippolyte.

De nouveaux combats opposent Tirant aux ennemis de l'Empire, dont il sort victorieux. Il regagne Constantinople où le Sultan envoie Abd Allah Salomon en ambassadeur pour demander une trêve. Pour mettre fin définitivement aux hostilités, le prince musulman propose aussi de prendre Carmésine pour épouse. Le cessez-le-feu lui est accordé, mais la question du mariage est remise à plus tard -il sera bien sûr refusé-. On fait de grandes fêtes que rend encore plus belles l'arrivée à Constantinople de neuf galères sous la conduite du vicomte de Branches, cousin germain de Tirant. L'Empereur l'arme chevalier et le vicomte prend part aux joutes. Un navire portant les voiles noires du deuil arrive au port; à son bord se trouve la fée Morgane qui est à la recherche de son frère Arthur. L'Empereur explique alors qu'il y a à sa cour un chevalier que personne ne connaît et qui a une épée du nom d'Escalibor. On aura compris qu'il s'agit du roi Arthur en personne (masque de cour?).

Tirant demande à l'Empereur la main de Stéphanie pour Diaphébus. Elle lui est accordée et les épousailles ont lieu. Diaphébus devient ainsi duc de Macédoine. Stéphanie se propose de favoriser les amours de Tirant et de Carmésine, auxquelles s'oppose par jalousie la Veuve Reposée. Tirant a aussi une alliée en la personne de Plaisirdemavie.

Celle-ci parvient à faire pénétrer le héros dans la chambre de Carmésine et à le glisser dans le lit de celle-ci. Mais il doit en sortir précipitamment car le cri de surprise de la Princesse alerte la Veuve Reposée, qui prend un malin plaisir à réveiller les gens du palais. Il se jette par une fenêtre et se casse une jambe.

La Veuve Reposée, toujours éprise de Tirant, profite de l'événement pour faire croître la mésentente, la méfiance et la jalousie entre les deux amoureux. Elle fait croire à la Princesse que Tirant médit d'elle, et à Tirant que Carmésine entretient des rapports coupables et secrets avec Lauseta, un Maure noir, jardinier au palais. Elle invente une scène, présentée comme un intermède de Corpus, dans laquelle Plaisirdemavie porte un masque reproduisant les traits du Maure. Pendant ce temps elle montre la scène à Tirant au moyen d'un jeu de miroirs. Notre Capitaine tombe dans le panneau et s'en va, désespéré, non sans repousser les insinuations de la Veuve. Tirant rencontre le pauvre Lauseta et le tue.

Entre-temps l'Impératrice remarque l'intérêt que lui porte Hippolyte, auquel elle répond favorablement. À l'insu de tous, elle retient le jeune homme dans sa chambre quinze jours durant, pendant lesquels les amants se livrent à tous les jeux de l'amour, avec l'unique complicité d'Élisée, une suivante de l'Impératrice. À la cour qui s'étonne de sa retraite, elle raconte un pseudo songe où son défunt fils -qui aurait l'âge d'Hippolyte- tient un rôle ambigu qui fait immanquablement penser à l'inceste, songe qu'elle dit vouloir poursuivre, tant elle y a pris de plaisir.

Pendant ce temps, Tirant, qui se remet de graves ennuis de santé mais qui broie toujours du noir, se prépare à reprendre le combat. En l'absence de Tirant, les chefs de l'armée grecque se sont déchirés. Mettant à profit ces dissensions, les Turcs ont remporté une grande victoire, au cours de laquelle Diaphébus a été fait prisonnier. Tirant est prêt à appareiller à la tête de la flotte impériale afin de rejoindre le champ de bataille lorsque Plaisirdemavie arrive à bord de son navire, envoyée par la Princesse. Elle doit lui expliquer ce qui s'est réellement passé: elle dénonce, preuves à l'appui, la perfidie de la Veuve Reposée.




9. Tirant en Afrique du Nord (cc. 297-413)

Une forte tempête éclate alors et entraîne la galère hors du port; poussé par les flots déchaînés, le bateau atteint la haute mer avant de faire naufrage sur les côtes de Berbérie. Tirant et Plaisirdemavie sont saufs, mais ils touchent terre à des endroits différents. La donzelle est recueillie par un Maure qui l'emmène près de Tunis; Tirant, lui, est recueilli par le Chevetain des chevetains qui porte une ambassade de son souverain, le roi de Tlemcen, au roi de Tunis. Après de nouvelles aventures au cours desquelles il passe de la position d'esclave à celle de chef de guerre, se mêlant aux luttes intestines qui opposent des rois africains, Tirant obtient que Maragdine, fille du roi de Tlemcen, se marie avec Scarian, roi de la grande Éthiopie, et que tous deux se convertissent au christianisme. Dans la foulée, et grâce à l'aide d'un frère de la Merci valencien, Jean Ferrier, il baptise quatre mille Maures. L'auteur profite de l'occasion pour parler de Valence et faire de terribles prédictions sur son avenir.

Le Capitaine fait le siège de Montagathe, où se trouve précisément Plaisirdemavie. Elle va à sa rencontre sous des vêtements qui la rendent méconnaissable, sans dévoiler son identité, mais il finit par la reconnaître. Tout finit par des fêtes, et un cousin de Tirant, le seigneur d'Aigremont, qui est devenu roi de Fès et de Bougie, épouse Plaisirdemavie.




10. Tirant libère l'Empire grec (cc. 414-471)

Tirant décide de revenir à Constantinople à la tête d'une armée de nouveaux chrétiens prêts à combattre pour l'Empire grec. Il passe d'abord par Palerme où l'escadre sicilienne vient grossir sa flotte.

Un curieux épisode s'intercale ici: l'Empereur, ne tenant plus d'impatience, lui envoie le chevalier Spercius en ambassade. Mais à la suite d'une tempête, celui-ci échoue sur l'île de Lango où, par un baiser assez involontaire, il rompt l'enchantement de la fille d'Hippocrate qu'un sort avait changée en dragon. Il épouse la belle jeune fille et christianise les habitants de l'île.

Tirant débarque à Troie et annonce son arrivée imminente à l'Empereur. La ville de Constantinople est assiégée sur terre et sur mer et Hippolyte la défend du mieux qu'il peut. En apprenant le retour du Breton, la Veuve Reposée met fin à ses jours. Le Capitaine bat les infidèles qui n'en peuvent mais et demandent la paix. Tirant entre dans la ville incognito et rencontre Plaisirdemavie qui, fidèle à elle-même, le conduit à nouveau dans le lit de la Princesse, où un mariage secret est célébré et consommé. Puis, après un entretien avec l'Empereur, la décision est prise de signer des traités de trêve et de paix avec le Sultan et le grand Turc. Tirant retourne à son campement pour donner la réponse aux infidèles, et il revient à Constantinople où il entre en vainqueur. L'Empereur, pour le récompenser de ses services émérites, lui offre la main de Carmésine et le nomme César de l'Empire grec. Tirant, au cours d'une brève campagne, libère les villes qui étaient restées au pouvoir des ennemis et délivre Diaphébus. En se promenant au bord d'une rivière, près d'Andrinopolis, Tirant tombe gravement malade (pleurésie foudroyante?).




11. Après la mort de Tirant (cc. 471-487)

Sentant sa mort prochaine, Tirant se confesse, communie, faitson testament et meurt sur le chemin de Constantinople. À la vue de son amour mort, Carmésine est effondrée. Elle meurt de chagrin après avoir pleuré sur le corps de son époux secret. L'Empereur ne peut résister à la perte de sa fille et de Tirant; il trépasse à son tour. L'Impératrice, héritière de sa fille, épouse Hippolyte, héritier de Tirant, et tous deux commencent un nouveau règne dans un Empire pacifié. Les corps de Tirant et de Carmésine sont transportés en Bretagne où on leur donne sépulture dans une riche tombe, avec une épitaphe en vers qui rappelle leur souvenir. L'Impératrice passe de vie à trépas trois ans plus tard et Hippolyte se remarie avec une princesse anglaise dont il aura trois fils et deux filles.





On aura constaté avec ce bref résumé d'un roman qui ne contient pas moins de quatre cent quatre-vingt-sept chapitres, que les aventures chevaleresques et militaires sont accompagnées du récit des amours de Tirant et de Carmésine. Cette vaste narration offre d'une part toute une série de procédés et de tactiques militaires, de descriptions d'engins de guerre et de mouvements de troupes qui font du héros breton un grand stratège, tant sur terre que sur mer. En cela l'œuvre devient un précieux document sur l'époque, avec des caractéristiques et des intentions fort éloignées de celles que l'on peut trouver dans les livres de chevalerie du cycle breton dans lesquels prédomine l'élément merveilleux, et où le héros a une physionomie totalement invraisemblable. D'autre part, les amours de Tirant et de Carmésine, qui se déroulent dans le cadre de la vie de cour de Constantinople, sont narrées avec une profonde vision sentimentale et psychologique et avec des détails très sensuels.

Une prose très variée, parfois solennelle, rhétorique et pompeuse, parfois familière, vive et nuancée, coupée de dialogues très expressifs, reflet d'une réalité dans laquelle l'auteur vivait, et qui était celle de l'exubérante Valence de la moitié du XVe siècle, confère à Tirant le Blanc une réelle grandeur en tant que création littéraire.

Les personnages, qui ne manquent pas de modèles vivants, pris le plus souvent dans la réalité contemporaine ou immédiatement antérieure, sont dessinés avec justesse, d'une plume ferme et avec un grand pouvoir d'individualisation, depuis ceux qui sont les protagonistes essentiels du récit jusqu'aux personnages les plus insignifiants. Ainsi, le modèle de Tirant n'est autre que Roger de Flor,28 capitaine des troupes almogavares engagées en 1302 par l'empereur d'Orient, Andrònic II, dans le but de contenir les Turcs qui envahissaient l'Empire grec; Roger connut une ascension fulgurante: il obtint le titre de mégaduc et la promesse d'épouser une nièce de l'empereur, fille du tsar de Bulgarie. Parmi les catalans se trouvait Ramon Muntaner qui devait écrire une chronique magnifiant cette expédition.

Par son contenu et par sa forme d'expression, par le caractère purement humain du héros dont les innombrables exploits sont toujours expliqués rationnellement, Tirant lo Blanc est bien l'un des plus grands romans européens de tous les temps. Nous laisserons pour finir la parole à Martí de Riquer, qui dans son prologue à l'édition catalane de Edicions 62 i “la Caixa”, Barcelona, 1983, écrivait: «Il est fort naturel qu'en 1490 Tirant, roman alors d'actualité, ait eu de nombreux lecteurs. Mais ce qui est vraiment surprenant c'est qu'en 1969, dix mille lecteurs se précipitent sur un roman chevaleresque, vieux de cinq cents ans, et l'épuisent à un rythme que lui envieraient nombre de romans actuels et engagés dans ce siècle. C'est la grande victoire littéraire de Joanot Martorell.».






Presentació de Tirant lo Blanc29

Jean Marie Barberà



Universitat de Provença - Marsella I.

Al capítol sisè de la primera part de Don Quixot es fa esment a una novel·la de cavalleries el títol de la qual és Tirante el Blanco. Per boca del capellà, que procedeix a l'acte de fe dels llibres que constitueixen la biblioteca de don Quixot, Cervantes no escatima els elogis a una novel·la,30 que havia llegit en la traducció castellana de 1511, mancada del nom de l'autor, l'única que probablement va conèixer. Ignora, per tant, que l'obra és catalana, que el seu títol original és Tirant lo Blanc31 i que el seu autor es diu Joanot Martorell.32

Martorell, nascut al voltant de 1410, comença a redactar la seva novel·la el 2 de gener de 1460. No tarda més de cinc anys a escriure-la car, en morir el 1465, el seu manuscrit es troba ja entre les mans de Martí Joan de Galba a qui l'havia donat en penyora d'un préstec de diner. No serà, però, fins al 1489 que Galba farà les primeres passes per publicar el manuscrit -la impremta no havia estat introduïda a València fins al 1474, nou anys després de la mort de Martorell-. L'afer es porta a terme, però Galba mor els primers mesos de 1490, sense veure el llibre imprès.

L'incunable surt de la impremta de Nicolau Spindeler, impressor alemany instal·lat a València, el 20 de novembre de 1490.33 Se'n fa una tirada de 715 exemplars. Set anys més tard en surt una segona edició, a Barcelona, de tirada més limitada, que porta el nombre d'exemplars a prop d'un miler. Aquesta vegada l'impressor és Diego de Gumiel, el mateix que el 1511 publicarà la primera traducció castellana, a Valladolid.34 Si es considera que els catalanoparlants són aleshores grosso modo 650 000, això equival a una tirada de prop de 92000 exemplars en una França de 60 milions d'habitants, la qual cosa és lluny d'ésser negligible i demostra l'èxit d'una obra que, d'altra banda, ja devia ésser coneguda abans fins i tot d'ésser impresa. En efecte, al segle XV la publicació d'un llibre en unes premses encara ben noves -la impremta europea sols tenia trenta-cinc anys- solia anar precedida de lectures públiques. Comprar un llibre que ja es coneix demostra amb escreix que hom l'aprecia enormement. Que Diego de Gumiel considerés oportú d'oferir-ne una traducció a un públic castellà no fa sinó confirmar aquesta opinió.35 Tirant lo Blanc serà traduït a l'italià des del 1538,36 però caldrà esperar el segle XVIII per veure'n la versió francesa.37

Curiosament, després d'aquest èxit tardà però segur, el llibre cau a França gairebé del tot en l'oblit mentre que ha interessat, a més dels erudits ibèrics, a nombrosos investigadors anglosaxons, italians, alemanys, romanesos, i altres38... Senyal d'aquest interès, les traduccions modernes s'han multiplicat i hom n'ha enllestit a l'anglès, romanès, suec, holandès, finès, italià, alemany, xinès, etc. El públic gal, en el seu conjunt, coneix tanmateix molt poc Tirant lo Blanc. I els qui no n'ignoren l'existència no li atorguen tanmateix el lloc que li pertoca en la literatura europea ni n'aprecien com cal la importància en la naixença de la novel·la moderna. Citem, a tall d'exemple, l'extrema raresa dels estudis que li han estat dedicats a França.39 Per això ens ha semblat útil i urgent de proposar, fora de les fronteres de l'estat espanyol, i per primera vegada, un col·loqui internacional dedicat a aquesta novel·la catalana del segle XV, injustament oblidada en el país que acull la manifestació universitària, amb l'esperança que això suscitarà treballs, capaços de llançar una nova llum sobre l'alba de la novel·la europea. Aquest primer col·loqui internacional se situa després del remarcable simposi organitzat pel pare de tots els tirantistes del món, el professor Martí de Riquer,40 que es va celebrar a Barcelona al 1990, amb motiu del cinc-centè aniversari de l'edició prínceps, i que va anar seguit, dos anys després, d'un col·loqui, prou íntim, a València.

Perquè Tirant lo Blanc marca sense cap mena de dubte una fita important en la creació de la novel·la europea moderna, i Mario Vargas Llosa no es va pas equivocar. Des del 1969, en un pròleg brillant a una nova traducció castellana,41 “Carta de batalla por Tirant lo Blanc,” aquest escriptor de talent estudia amb l'agudesa que el caracteriza l'obra de Joanot Martorell.42 No és pas l'únic a haver trobat algun valor a la nostra novel·la. Italo Calvino, en el recull d'assaigs i d'articles titulat Perchè leggere i classici,43 li dedica sis pàgines. Per això ens ha semblat oportú d'aportar la nostra pedra a l'edifici naixent, tot oferint als investigadors i al públic de curiosos francesos alguns articles capaços d'incitar-los a interessar-s'hi encara més.44 D'altra banda, la traducció francesa45 que en preparem permetrà a tots els qui no dominen a bastament el català o el castellà -car la traducció de 1511 és prou bona- de llegir un text fonamental de la literatura europea.

Martorell i el seu Tirant lo Blanc s'inscriuen en el marc històric del segle XV català. La Corona de Catalunya-Aragó brilla aleshores amb tot el seu esplendor, i el seu floró, que és el Regne de València, li ofereix un segle d'or literari. Després d'alguns anys d'inestabilitat consecutius a una crisi de successió, el país es llança a una política exterior agressiva amb l'adveniment d'una dinastia castellana sortida del compromís de Casp (1412) i el regnat d'Alfons el Magnànim (1416-1458), que conquereix el Regne de Nàpols. Però aquesta embranzida es veu una mica contrariada sota el seu germà i successor, Joan II (1458-1479),46 el qual, per raons dinàstiques, ha d'oposar-se al seu propi fill, Carles de Viana, i es troba igualment confrontat a una guerra civil a la Catalunya estricta. Tanmateix aquests problemes no tenen cap repercussió nefasta a València, ben al contrari, ja que els capitals barcelonins que fugen de la inseguretat de la ciutat comtal vénen a invertir-se de bell nou més al sud. No tot és perfecte, naturalment -amenaça de fam, pesta endèmica, crisis confessionals si s'escau-, però res que no es conegui de debò sota d'altres cels; res en tot cas que perjudiqui l'eclosió d'aquest Segle d'Or de les lletres catalanes, massa mal conegut encara, que ha produït escriptors l'obra dels quals no desentonaria al Firmament universal de les Lletres: Jordi de Sant Jordi (13??-c. 1424), que segueix encara l'estil trobadoresc; Ausiàs March47 (c. 1397-1459), mestre en l'anàlisi introspectiva de l'home renaixent; Joan Roís de Corella (1433/43-1497), ple d'humanisme erudit; Jaume Roig (1???-1478) i l'escola satírica valenciana; sor Isabel de Villena (1430-1490), ploma intimista i tendra, per no citar sinó els més grans. Martorell, a cavall de l'Edat Mitjana i del Renaixement, es troba en bona companyia. Tant més que les relacions amb els italians són ben estretes; Alfons IV el Magnànim, de qui ja hem parlat, s'instal·la a Nàpols, on manté una cort brillant fins a la seva mort el 1458. El seu fill Ferran el succeeix amb la mateixa brillantor. Sabem que Martorell va viure una mica més d'un any a la cort napolitana a partir de 1454, sis anys per tant abans de començar a escriure la seva novel·la; fet significatiu, probablement fou un membre d'aquesta cort qui va escriure Curial e Güelfa,48 l'altra gran novel·la cavalleresca del segle XV català. Tirant lo Blanc no és pas, per tant, una flor aïllada.

Per precisar el gènere literari de Tirant lo Blanc -pseudobiografia d'un cavaller bretó que, a partir de l'edat de vint anys, es fa conèixer en el transcurs de festes i com

bats a la cort d'Anglaterra i esdevé després cap de les forces armades que acudeixen a socórrer l'illa de Rodes i l'Imperi grec, que defensa contra la invasió turca- seguirem Martí de Riquer. Aquest estudiós, en diverses ocasions,49 ha distingit la nostra novel·la de les de cavalleria dintre de les quals Cervantes l'havia catalogada, infligint-li així probablement -malgrat els elogis que li dedica- un perjudici del qual encara no s'ha recuperat totalment. Riquer anota ben justament que a Tirant lo Blanc no es troben cap dels elements meravellosos i francament extravagants que abunden a la novel·la de cavalleria; tot, al contrari, hi és plausible. En això s'assembla més a un altre gènere literari contemporani, que es troba en d'altres països a la mateixa època,50 i que relata la vida de cavallers exemplars, ben reals la major part del temps, gènere que Riquer anomena “novel·la cavalleresca”.

Podem a partir d'ara donar la trama general d'aquesta ficció que es relaciona més amb aquesta novel·la cavalleresca que no pas amb la novel·la de cavalleria pròpiament dita. L'únic full manuscrit que n'ha estat retrobat51 demostra amb tota evidència que la introducció dels capítols es deu a l'impressor, amb la finalitat evident de facilitar-ne la lectura -la traducció castellana, per la seva banda, proposa una divisió en cinc parts, inexistent a l'original-. La mateixa preocupació porta Martí de Riquer a introduir en la seva edició moderna de Tirant lo Blanc unes grans divisions que segueixen la trama de la història i que resulten ben útils. A continuació nosaltres les recollim. Després d'una dedicatòria i un pròleg, la ficció comença així:


1. Guillem de Vàroic (cc. 1-27)52

La història comença amb la narració de la vida i les aventures del valent cavaller anglès Guillem, comte de Vàroic, el qual, després d'una joventut en el transcurs de la qual s'ha cobert de glòria en el combat, decideix, a cinquanta-cinc anys, abandonar l'ofici de les armes i anar-se'n en peregrinació a Jerusalem, a fi d'obtenir el perdó de les seves faltes. Abandona a Anglaterra la seva esposa, a qui confia els seus béns, i el seu fill, que no és encara més que una criatura. Deixa a la comtessa la meitat d'un anell amb llurs armes, l'altra meitat del qual ell guarda. Malgrat les súpliques de la seva desconsolada esposa, no es desdiu de la seva decisió i se'n va a Terra Santa. En el camí de tornada, passa per Venècia d'on fa córrer el rumor de la seva mort. En conèixer la (falsa) notícia, la comtessa, convençuda d'haver enviudat, celebra els seus funerals. Guillem no s'ha fet passar per mort sinó per anar-se'n a viure com a ermità als dominis del seu antic comtat. Arriba doncs a Vàroic, incognoscible, sota la llarga barba i els cabells que s'ha deixat créixer, vestit amb l'hàbit franciscà i s'instal·la en una ermita, situada en les seves terres, on viu d'almoina. Poc després d'això, el rei moro de Gran Canària ve a assetjar el rei d'Anglaterra que es veu obligat a abandonar Londres i a refugiar-se en les terres de Vàroic, on és acollit per la comtessa. Però els moros s'apoderen de la plaça, amb gran desesperació del rei anglès. Mentre aquest es lamenta, li apareix una donzella i li diu que besi i nomeni capità del seu exèrcit el primer home que li demani almoina. Aquest serà, naturalment, el comte-ermità, el qual, després de nombroses vicissituds, vencerà el rei moro, li tallarà el cap i, havent salvat Anglaterra, es retirarà de bell nou a la seva ermita.




2. Tirant i l'ermità (cc. 28-39).

Algun temps després, el rei d'Anglaterra anuncia la celebració de la seves noces amb la princesa de França, durant les quals tots els joves nobles que ho demanin seran armats cavallers. Tirant lo Blanc, gentilhome bretó, emprèn el camí cap a Londres. Amb d'altres joves, vol assistir a les festes i ésser armat cavaller. Cansat del viatge, s'adorm sobre el seu cavall, se separa del grup i es troba prop d'una font no gaire lluny de la qual viu Guillem de Vàroic. Tirant es presenta a l'ermità, el qual manté el seu anonimat. Durant la seva conversa, Guillem se sorprèn que Tirant, que vol ésser fet cavaller, no conegui pas les regles de la cavalleria; li explica, doncs, quins són la natura i el valor de l'Orde de la Cavalleria. Després d'haver ben escoltat la lliçó de l'ermità, el jove bretó, afeixugat pel preciós Arbre de les batalles, llibre alguns passatges del qual li ha llegit l'ermità per tal d'aciençar-lo, continua el seu camí i es troba de bell nou amb els seus companys de viatge. Arriba a Londres, on participa a les festes en honor del casament reial que duren un any i un dia. És armat cavaller i participa en nombrosos combats singulars dels quals surt victoriós. A la fi emprèn el camí de tornada en companyia dels seus amics i s'atura a fer nit a l'ermita del comte-ermità.




3. Les festes d'Anglaterra (cc. 40-57)

Tirant li conta tot el fast de les festes. Però quan l'ermità vol saber qui ha estat el millor cavaller, la modèstia del nostre heroi li impedeix de continuar: és Diafebus, cosí de Tirant, qui llegeix la carta en què el rei d'Anglaterra certifica que Tirant ha estat el millor cavaller.




4. Les proeses de Tirant a Anglaterra (cc. 58-84)

El comte-ermità vol sentir les gestes de Tirant, que Diafebus refereix. Un cop el rei l'ha armat cavaller, el bretó entra en lliça. Durant els tres primers combats a cavall, mata els seus adversaris. Aquí s'intercala l'episodi de la bella Agnès, filla del duc de Berrí. Tirant promet servir-la i combatre per ella a canvi d'un fermall que la donzella porta al pit. Aquesta accepta però, gelós, un antic pretendent, el senyor de les Viles-ermes, provoca Tirant per recuperar el fermall i la cosa acaba en un bany de sang, a favor del cavaller bretó. Més endavant, Tirant s'encreua en una plaça amb l'alà del príncep de Gales; el gos l'ataca i Tirant decideix de defensar-se a mans nues de l'animal a fi de no gaudir de la superioritat de les armes; el venç, amb molt de perjudici del seu amo. Poc després arriben a Anglaterra, d'incògnit, el reis de Frisa i d'Apol·lònia i els ducs de Bavera i de Burgunya. Tirant els combat tots quatre i els venç l'un rere l'altre. Més tard es presenta el gegantesc Kirieleison de Muntalbà, que ve a venjar el seu senyor, el rei de Frisa. Però és víctima d'un tal dolor davant la tomba del seu sobirà que en mor. El seu germà, Tomàs de Muntalbà, el substitueix, però vençut per Tirant es ret i, deshonorat, es retira a una abadia.




5. L'orde de la Garrotera (cc. 85-97)

Havent referit les proeses de Tirant, Diafebus explica què és l'orde de la Garrotera i com va ésser creat; després els bretons s'acomiaden definitivament de l'ermità.53




6. Tirant a Sicília i a Rodes (cc. 98-111)

Tirant i Diafebus es traslladen a Nantes, on els rep el duc de Bretanya. Poc després arriben dos cavallers de la cort del rei de França que conten que els moros assetgen l'illa de Rodes i que el Mestre de l'Orde de Sant Joan de Jerusalem, que s'hi ha instal·lat, demana ajut. Un estratagema ordit pels genovesos, aliats del soldà d'Alcaire, ha fallat i els traïdors han estat assassinats. Els qui han pogut escapar-se s'han reincorporat al soldà a Barut. Aquest ha desembarcat a l'illa i l'ocupa, a l'excepció de la ciutat mateixa la qual, assetjada per terra i per mar, no pot rebre cap auxili. Alguns mariners així i tot han pogut escapar-se del bloqueig i van a advertir els prínceps de la Cristiandat, cap dels quals no reacciona. Tirant se'n commou.

Compra, doncs, una nau per volar en auxili dels assetjats. En assabentar-se'n, Tenebrós, gentilhome francès, li proposa que accepti que s'afegeixi a l'empresa l'infant Felip, cinquè fill del rei de França, poc estimat pels seus pares. La nau es fa a la mar i passa per Lisboa, Gibraltar, les costes de Barbaria i fa rumb a Palerm per carregar de blat. Felip, presentat com a curt i grosser, s'enamora de la infanta Ricomana, filla del rei sicilià. Tirant ajuda Felip a aparèixer en les seves millors condicions possibles i ho aconsegueix, enganyant així la princesa Ricomana, la qual no pot pas suportar ni la grosseria ni la ximpleria.

Advertit de la caiguda imminent de Rodes, Tirant torna al seu projecte inicial. S'embarca amb el rei de Sicília i l'infant Felip per tal d'atènyer l'illa. Entra en el seu port trencant audaçment el setge de la ciutat i, gràcies a l'astúcia d'un mariner, cala foc a les naus del genovesos que s'han aliat amb els moros. Obliga a batre's en retirada les tropes enemigues i Rodes és alliberada. Després de la seva desfeta, el soldà és executat pels seus.

Dues galeres fan escala a Rodes. Es dirigeixen a Terra Santa. Tirant s'hi embarca amb els seus companys. Van a Jerusalem i a Alexandria, on Tirant rescata nombrosos captius cristians. Tornen a Sicília on, després de noves peripècies -entre les quals es troba l'episodi del filòsof calabrès-, tenen lloc les noces de Felip i Ricomana.




7. L'expedició amb el rei de França (cc. 112-114)

El rei de França es troba aleshores a Aigües Mortes, al front d'una flota que es prepara per anar a combatre els infidels. El rei de Sicília decideix ajudar-lo amb totes les seves forces i posa Felip al cap de les naus que li envia. Tirant participa en l'expedició amb la seva pròpia galera i es cobreix de glòria, no sense conèixer algunes baralles amb un altre cavaller cristià, gelós de la seva fama, Ricard lo Venturós. Acabaran per esdevenir els millors amics del món. Després de costejar el nord d'Àfrica i Espanya, Tirant desembarca a Marsella.

Des d'aquesta ciutat torna a Bretanya per veure els seus pares i la seva família. Però el rei de Sicília el reclama i de bell nou fa cap a Palerm.




8. Tirant a l'imperi grec (cc. 115-296)

El rei de Sicília ha rebut una lletra de l'emperador de Constantinoble, que es troba acorralat. El Soldà i el Gran Turc s'han apoderat de bona part de les seves terres i l'acuiten perillosament. Assabentat del valor guerrer de Tirant, recorre a ell per tal d'expulsar els infidels. Tirant accepta i, al front d'un nombrós exèrcit reclutat a Itàlia pels ambaixadors imperials, arriba a Constantinoble, on és magníficament rebut per l'Emperador. L'anomenen capità de l'exèrcit i de la justícia imperials.

La seva trobada amb Carmesina, filla de l'emperador, marca el gran tombant de la història. Des que ell la veu se n'enamora follament i cau en una profunda malenconia. La princesa correspon al seu amor, però els estatuts respectius els prohibeixen de fer parada de la seva passió a plena llum. Carmesina mostra el seu interès per Tirant defensant-lo cada vegada que és atacat per cortesans envejosos i advertint-lo contra el pèrfid duc de Macedònia,54 del qual hom sospita -no sense raó- que ha mort el príncep hereu. El cavaller bretó acaba per declarar el seu amor a la princesa oferint-li un retrat de la seva estimada: un mirall en el qual Carmesina veu la seva pròpia imatge! S'estableixen unes relacions complexes entre els dos amants separats per les seves posicions socials, un joc subtil de sentiments en el qual joia i dolor, esperança i desesperança alternen i es barregen. Estefania, germana de llet i confident de la princesa, filla de l'anterior duc de Macedònia, farà tot el possible per tal de suavitzar els seus secrets esquinçaments. Formarà una parella paral·lela amb Diafebus, els amors amb el qual seran menys tumultuosos, car la distància entre ambdós és inferior. Carmesina troba també l'ajut d'una altra serventa, Plaerdemavida, el sol nom de la qual és ja una prova de felicitat. Noia alegre, plena d'empenta i trempada, ho farà tot perquè Tirant aconsegueixi els seus fins en la seva aventura amorosa.

Mentrestant el soldà es prepara a assetjar Constantinoble, després d'haver derrotat l'exèrcit grec que comanda el pèrfid duc de Macedònia. Tirant recluta un exèrcit de voluntaris a Constantinoble, es presenta a l'escenari dels combats i hi obté una victòria clamorosa, la qual cosa omple el duc d'una ràbia folla. Es mostra insultant amb Tirant, que vol arribar a un acord per a la direcció de la guerra i assegurar així la supervivència de l'imperi. El soldà envia un ambaixador, Abdal·là Salomó, a fi d'obtenir una treva de sis mesos. Contra l'opinió del duc, Tirant es nega a acordar-la, pensant treure un avantatge, allí mateix, del desgavell dels infidels. A pesar del nou èxit obtingut pel capità, el duc s'indigna perquè no ha estat escoltat. Diafebus porta els presoners fets durant la batalla a Constantinoble. Refereix a la princesa els èxits de Tirant i li recorda l'afecte d'aquest. És aleshores quan Estefania deixa entendre clarament que ella experimenta una tendra inclinació pel cosí de Tirant.

El soldà reprèn la seva ofensiva i Tirant troba refugi al castell de Malveí55 per preparar el seu pla de campanya. Atès que els seus soldats són inferiors en nombre, malgrat l'arribada dels homes enviats pel Mestre de Rodes, ha de compensar el desequilibri de les forces amb la intel·ligència. Fingirà, doncs, que fuig per tal de sorprendre més bé als enemics de l'imperi. Astut, el duc aprofita la simulació per tal de trametre a l'emperador un missatger anunciant-li la desfeta de l'exèrcit grec i la fugida vergonyosa de Tirant. En realitat el capità obté una nova victòria sobre els moros. Un cop restablerta la veritat, Tirant envia el botí i els presoners a Constantinoble. En el camp de batalla, els turcs que han sobreviscut i es troben en un estat crític no tenen altre recurs que proposar un combat a ultrança entre el rei d'Egipte, molt hàbil en el maneig de les armes, i Tirant. Han decidit deixar que el combat arribi al seu terme, si és el seu rei qui el guanya, i, en el cas contrari, matar el capità a fletxades. Però la trampa és desbaratada, gràcies a un trànsfuga que la divulga. Tirant accepta el repte amb certes condicions, que fan que la maldat sigui impossible.

La bravura del capità fa augmentar encara més l'odi del duc de Macedònia, el qual no vol pas reconèixer la seva autoritat, tot i que prové de l'emperador mateix. Després d'intercanviar-se unes paraules ben vives, Tirant accepta de renunciar al seu títol de capità i demana al consell de guerra que elegeixi algú altre per a aquesta funció. Els cavallers presents no accepten, però, la seva proposta i condemnen fermament la conducta del duc.

Felip, que ha esdevingut rei de Sicília a la mort del seu sogre, envia a Tirant un exèrcit comandat pel duc de Messina. L'emperador s'hi afegeix per arribar al lloc dels combats. Carmesina no vol pas quedar enrere i, al front d'un exèrcit femení ben armat, s'incorpora a l'expedició.

En el transcurs d'una nova batalla, el duc de Macedònia intenta matar Tirant, però no aconsegueix sinó ferir-lo a l'esquena. I és ell qui mor a les mans del rei d'Àfrica, un dels sobirans enemics. Al cap de dos dies de combats, el coratge i la ciència guerrera de Tirant fan que es guanyi la batalla. Segueixen aleshores nous jocs galants entre Estefania i Diafebus i entre Carmesina i Tirant. A fi de regraciar el seu capità, l'emperador vol fer-lo comte de Sant Àngel, però el bretó, l'ambició del qual és més gran, proposa que el títol sigui per a Diafebus. El seu cosí obté, doncs, el comtat així com el títol de Gran Conestable. Per tal de celebrar l'esdeveniment se celebren unes festes a Malveí, durant les quals Tirant i Diafebus es troben en secret amb la princesa i Estefania en llur cambra. La maliciosa Plaerdemavida, que ha sorprès l'escena nocturna sense mostrar-se, la conta l'endemà, com si es tractés d'un somni i aprofita per declarar la seva passió per Hipòlit.

Nous combats oposen Tirant als enemics de l'imperi, i sempre en surt victoriós. Torna a Constantinoble on el soldà envia Abdal·là Salomó com a ambaixador a fi de demanar una treva. Per acabar definitivament les hostilitats, el príncep musulmà proposa també d'esposar Carmesina. L'alto el foc li és concedit, però és ajornada per a més endavant la qüestió del casament que, naturalment, li serà rebutjat. Se celebren unes grans festes, que fa encara més grandioses l'arribada a Constantinoble de nou galeres sota el comandament del vescomte de Branches, cosí germà de Tirant. L'emperador l'arma cavaller i el vescomte participa a les justes. Arriba al port una nau que porta unes veles negres, en senyal de dol; a bord s'hi troba la fada Morgana, que és a la recerca del seu germà Artur. L'emperador explica aleshores que a la seva cort hi ha un cavaller que ningú no coneix i que porta una espasa que es diu Escalibor. El lector haurà comprès que es tracta del rei Artur en persona (màscara de cort?)

Tirant demana a l'emperador la mà d'Estefania per a Diafebus. Li és acordada i les noces se celebren. Diafebus esdevé així duc de Macedònia. Estefania es proposa d'afavorir els amors de Tirant i Carmesina, als quals s'oposa la gelosia de la Viuda Reposada. Tirant té també una aliada en la persona de Plaerdemavida.

La serventa aconsegueix fer entrar l'heroi dins la cambra de Carmesina i ficar-lo dins el llit d'aquesta. Tirant, però, n'ha de sortir precipitadament car el crit de sorpresa de la princesa adverteix la Viuda Reposada, que experimenta un plaer maliciós despertant la gent del palau. L'heroi es llança per una finestra i es trenca una cama.

La Viuda Reposada, que segueix enamorada de Tirant, aprofita el fet per tal de sembrar la desavinença, la desconfiança i la gelosia entre els dos enamorats. Fa creure a la princesa que Tirant parla malament d'ella, i a Tirant, que Carmesina manté relacions culpables i secretes amb Lauseta, un moro negre, jardiner al palau. Inventa una escena, presentada com un entremès del Corpus, en la qual Plaerdemavida porta una màscara amb els trets del moro. Mentrestant mostra l'escena a Tirant, valent-se d'un joc de miralls. El nostre capità cau en el parany i se'n va, desesperat, no sense rebutjar les insinuacions de la Viuda. Tirant es troba amb el pobre Lauseta i el mata.

Entretant l'emperadriu s'adona de l'interès que li porta Hipòlit, al qual respon favorablement. Sense que ningú ho sàpiga, durant quinze dies reté el jove a la seva cambra. Durant aquest temps els amants es lliuren a tots els jocs de l'amor, amb l'única complicitat d'Eliseu, serventa de l'emperadriu. A la cort, sorpresa que s'hagi retirat, li conta un pseudosomni en el qual el seu fill difunt -que tindria l'edat d'Hipòlit- juga un paper ambigu, que fa pensar inevitablement en l'incest, somni que ella diu que vol prosseguir, ja que n'ha gaudit enormement.

Mentrestant Tirant, que es recupera de les greus molèsties de salut però que ho veu tot negre, es prepara a continuar el combat. En l'absència de Tirant, els caps de l'exèrcit grec s'han enemistat entre ells. Aprofitant aquestes dissensions, els turcs han obtingut una gran victòria, en el transcurs de la qual Diafebus ha estat fet presoner. Tirant està a punt de prendre vela al cap de la flota imperial i presentar-se així al camp de batalla quan Plaerdemavida arriba a bord de la seva nau, enviada per la princesa. Li ha d'explicar el que de debò ha succeït. Denuncia, basant-se en proves, la perfídia de la Viuda Reposada.




9. Tirant a l'Àfrica del Nord (cc. 297-413)

Un fort temporal esclata aleshores i emporta la galera fora del port, empesa per les onades desfermades; la nau arriba a alta mar abans de naufragar davant les costes de Barbaria. Tirant i Plaerdemavida se salven, però arriben a terra a dos indrets diferents. La donzella és recollida per un moro, que la porta prop de Tunis. Tirant, en canvi, és recollit pel Cabdillo-sobre-los-cabdillos, que es troba al front d'una ambaixada enviada pel seu sobirà, el rei de Tremicèn, al rei de Tunis. Després de noves aventures, durant les quals passa de la posició d'esclau a la de cap guerrer, ficant-se en les lluites intestines que oposen als reis africans, Tirant obté que Maragdina es casi amb Escariano, rei de la gran Etiòpia, i que ambdós es converteixin al cristianisme. Aprofitant l'embranzida, i amb l'ajuda d'un frare mercedari valencià, Joan Ferrer, bateja quatre mil moros. L'autor no deixa pas escapar l'ocasió per parlar de València i fa terribles prediccions sobre el seu futur.

El capità assetja Montàgata, on es troba precisament Plaerdemavida. Ella surt al seu encontre vestida d'una manera irrecognoscible, sense desvetllar la seva identitat, però Tirant acaba per reconèixer-la. Tot acaba amb festes, i un cosí de Tirant, el senyor d'Agramunt, que ha esdevingut rei de Fes i de Bogia, es casa amb Plaerdemavida.




10. Tirant allibera l'imperi grec (cc. 414-80 471).

Tirant decideix tornar a Constantinoble al front d'un exèrcit de nous cristians, disposats a combatre per l'imperi grec. Passa primer per Palerm, on l'estol sicilià s'afegeix a la seva flota.

Un curiós episodi s'intercala aleshores: l'emperador, que es mor d'impaciència, li envia el cavaller Espèrcius com a ambaixada. Però a conseqüència d'un temporal, aquest va a parar a l'illa de Lango on, gràcies a una besada involuntària, trenca l'embruixament de la filla d'Hipòcrat, transformada en un dragó. Es casa amb la donzella i cristianitza els habitants de l'illa.

Tirant desembarca a Troia i anuncia la seva arribada imminent a l'emperador. La ciutat de Constantinoble és assetjada per mar i terra i Hipòlit la defensa al millor que pot. En assabentar-se del retorn del bretó, la Viuda Reposada posa fi a la seva vida. El capità venç els infidels, que es troben al límit de les seves forces, i demanen la pau. Tirant entra d'amagat dins la ciutat i es troba amb Plaerdemavida. Fidel a ella mateixa, aquesta el condueix de bell nou al llit de la princesa on té lloc un casament secret, que és consumat. Després d'entrevistar-se amb l'emperador, es pren la decisió de signar uns tractats de treva i de pau amb el soldà i el gran turc. Tirant torna al seu campament per donar la resposta als infidels, i entra dins Constantinoble, on és rebut com a vencedor. L'emperador, per recompensar-lo dels seus serveis eminents, li ofereix la mà de Carmesina i el nomena Cèsar de l'imperi grec. En el trancurs d'una curta campanya, Tirant recupera les ciutats que havien romàs sota el poder dels enemics i allibera Diafebus. Tot passejant-se a la vora d'un riu, no gaire lluny d'Andrinòpolis, cau greument malalt (pleuresia fulminant?)




11. Després de la mort de Tirant (cc. 471-487)

Sentint que la mort s'acosta, Tirant es confessa, combrega, fa el testament i mor en el camí de Constantinoble.Veient el seu amor mort, Carmesina cau esfondrada. Mor de pena després d'haver plorat sobre el cos del seu espòs secret. L'emperador no pot pas resistir la pèrdua de la seva filla i de Tirant i traspassa al seu torn. L'emperadriu, hereva de la seva filla, es casa amb Hipòlit, i tots dos comencen un nou regnat en un imperi pacificat. Els cossos de Tirant i de Carmesina són transportats a Bretanya, on reben sepultura en una rica tomba. Un epitafi en vers celebra llur record. Tres anys després, l'emperadriu exhala el seu darrer sospir i Hipòlit es casa en segones núpcies amb una princesa anglesa de la qual tindrà tres fills i dues filles.





S'haurà constatat, amb aquest breu resum d'una novel·la que comporta no menys de quatre-cents vuitanta set capítols, que les aventures cavalleresques i militars van acompanyades de la narració dels amors de Tirant i de Carmesina. Aquesta vasta història ofereix, d'una banda, tota una sèrie de procediments i de tàctiques militars, de descripcions d'enginys de guerra i de moviments de tropes que fan de l'heroi bretó un gran estrateg, tant per terra com per mar. En això, l'obra esdevé un preciós document sobre l'època, amb unes característiques i unes intencions força allunyades de les que es poden trobar en els llibres de cavalleria del cicle bretó en els quals predomina l'element meravellós, i on l'heroi té una fisonomia totalment inversemblant. D'altra banda, els amors de Tirant i de Carmesina, que transcorren en el marc de la vida cortesana de Constatinoble, són contats amb una pregona visió sentimental i psicològica i amb detalls molt sensuals.

Una prosa molt variada, de vegades solemne, retòrica i pomposa, de vegades familiar, viva i matisada, tallada per diàlegs ben expressius, reflex d'una realitat en la qual l'autor vivia, i que era la de l'exuberant València de mitjan segle XV, confereix a Tirant lo Blanc una veritable grandesa en tant que creació literària.

Els personatges, als quals no manquen els models vivents, presos tot sovint de la realitat contemporània o immediatament anterior, són descrits amb encert, amb una ploma ferma i amb un gran poder d'individualització, des dels protagonistes essencials fins als personatges més insignificants. Així, el model de Tirant no és altre que Roger de Flor,56 capità de les tropes almogàvers allistades al 1302 per l'emperador d'Orient Andrònic II, amb la finalitat de contenir els turcs que envaïen l'imperi grec. El personatge històric va conèixer una ascensió fulgurant: obtingué el títol de megaduc i la promesa d'esposar una néta de l'emperador, filla del tsar de Bulgària. Entre els catalans hi figurava Ramon Muntaner, que havia d'escriure una crònica magnificant aquesta expedició.

Pel seu contigut i per la seva forma d'expressió, pel caràcter purament humà de l'heroi, les nombroses proeses del qual són sempre explicades racionalment, Tirant lo Blanc és realment una de les més grans novel·les europees de tots els temps. Per acabar aquesta presentació, destinada a familiaritzar el lector francès amb el clàssic català, deixarem la paraula a Martí de Riquer que, com ja hem apuntat, ens ha guiat al llarg del nostre resum. En el seu pròleg a l'edició catalana d'Edicions 62 i “la Caixa”, apareguda a Barcelona el 1983, escrivia: «És molt natural que l'any 1490 el Tirant, novel·la aleshores d'actualitat, tingués molts llegidors. Però el que és autènticament sorprenent és que, el 1969, deu mil llegidors es precipitessin sobre una novel·la cavalleresca, vella de cinc-cents anys, i l'exhaurissin amb un ritme que bé voldrien moltes novel·les actuals i compromeses. És la gran victòria literària de Joanot Martorell.».



 
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